Face aux bouleversements qui redessinent nos sociétés, les musées assument plus que jamais leur rôle de passeurs de mémoire. En perpétuel dialogue entre héritage et innovation, ils s’imposent aujourd’hui comme des espaces vivants où se croisent récits, savoirs et cultures, au service d’une identité plurielle.
Cette dynamique prend un relief particulier ce 18 mai, à l’occasion de la Journée internationale des musées. Placée cette année sous le thème « L’avenir des musées au sein de communautés en constante évolution », elle met en lumière la place de ces institutions dans un monde agité par les mutations sociales, culturelles et technologiques.
Partout, les musées cherchent à redéfinir leur vocation. Loin de se limiter à la conservation, ils revendiquent un rôle actif dans la vie des communautés. Cela passe par une attention accrue aux enjeux contemporains comme l’inclusion, l’accès équitable à la culture ou encore la mise en valeur de patrimoines souvent ignorés. L’intégration des technologies numériques s’inscrit aussi dans cette volonté d’ouverture, sans jamais rompre avec l’ancrage matériel des œuvres et des objets.
Au Maroc, cette réflexion s’accompagne d’une politique culturelle qui a pris, ces dernières années, une ampleur nouvelle. Le pays compte aujourd’hui 132 musées, répartis entre établissements publics, semi-publics et privés. Cette diversité reflète une volonté de décentralisation culturelle et de valorisation des identités locales.
Parmi les établissements emblématiques, le Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain à Rabat, inauguré en 2014, se distingue comme la première institution publique marocaine dédiée entièrement aux arts modernes et contemporains. Il abrite une collection de plus de 400 œuvres d’artistes marocains, illustrant l’évolution de la création artistique nationale du début du XXe siècle à nos jours.
À Marrakech, le Musée Aman, également connu sous le nom de Musée Mohammed VI pour la civilisation de l’eau, ouvert en 2017, explore les techniques hydrauliques traditionnelles du Maroc. Sur une superficie de 2 235 m², il présente des expositions interactives sur les ressources hydriques, les systèmes d’irrigation anciens et les enjeux contemporains liés à l’eau. En 2018, il a accueilli environ 37 500 visiteurs.
Le Musée Yves Saint Laurent de Marrakech, inauguré en 2017 à proximité du Jardin Majorelle, rend hommage au célèbre couturier français. Le bâtiment, conçu par le cabinet d’architectes Studio KO, abrite une collection de vêtements, d’accessoires et de croquis, témoignant de l’influence du Maroc sur l’œuvre de Saint Laurent.
Toujours à Marrakech, le Musée Dar Si Saïd, installé dans un palais du XIXe siècle, est dédié à l’artisanat marocain. Il expose une riche collection de tapis, de boiseries, de bijoux et d’objets du quotidien, reflétant la diversité culturelle des régions du sud du Maroc.
À Tanger, le Musée de la Kasbah des cultures méditerranéennes, situé dans l’ancien palais du sultan Dar El Makhzen, offre un panorama de l’histoire et des civilisations de la Méditerranée. Ses collections archéologiques et ethnographiques illustrent les échanges culturels qui ont façonné la région.
La création de nouveaux musées, leur rénovation ou leur transformation en lieux d’expériences culturelles participatives témoignent d’une volonté claire de rapprocher le patrimoine du grand public. En s’adressant directement aux jeunes générations, ces lieux de transmission veulent encourager la curiosité, le dialogue et la fierté culturelle.
La médiation prend ici une place centrale. Ateliers, visites guidées, dispositifs interactifs sont pensés pour faire du musée un acteur vivant du tissu social. L’objectif est autant d’informer que de susciter l’adhésion, en donnant aux visiteurs des outils pour s’approprier leur histoire commune.
L’usage des nouvelles technologies, quant à lui, ne vise pas à remplacer mais à enrichir l’expérience. Réalité augmentée, dispositifs immersifs ou plateformes numériques permettent de prolonger le lien avec les collections, en rendant leur découverte plus accessible et plus engageante.
Instituée en 1977 par le Conseil international des musées, la Journée internationale des musées rappelle chaque année que ces lieux de culture ne sont pas des sanctuaires figés, mais des carrefours d’échange, de réflexion et de réinvention. Dans un monde en perpétuel mouvement, ils offrent des repères et ouvrent des perspectives, en mettant au centre le dialogue entre les mémoires, les cultures et les générations.