C’est une idée qui fait doucement son chemin mais que l’AMIC veut désormais remettre au centre du jeu : la transformation économique du Maroc passera par ses propres ressources. Non plus seulement par l’État. Non plus seulement par des bailleurs internationaux. Mais par une mobilisation structurée, massive et stratégique de l’investissement privé marocain.
Ce Vendredi à Casablanca, l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital, en partenariat avec Strategy&, a présenté une feuille de route claire à l’horizon 2030. Objectif : faire du capital-investissement un levier central pour financer la croissance, structurer les entreprises, et renforcer la souveraineté économique du Royaume. Une ambition qu’elle résume dans une formule sans détour : passer d’une industrie marginale à un moteur du nouveau modèle de développement.
Le contexte n’a jamais été aussi favorable. L’économie marocaine s’appuie sur des fondamentaux solides, des projets structurants à grande échelle, une dynamique entrepreneuriale qui s’étend à toutes les régions. Le pays se prépare à accueillir la Coupe du monde, lance de grands chantiers industriels, accélère sa transition énergétique. Il ne manque plus que le nerf de la guerre : le capital.
L’étude présentée lors de la conférence met pourtant le doigt sur un paradoxe. Alors que l’écosystème du private equity s’est nettement renforcé ces dix dernières années – avec un triplement des montants levés et une nette professionnalisation des pratiques – le secteur reste sous-financé. Plus précisément : il reste sous-financé par l’argent marocain. La part des institutionnels locaux dans les levées de fonds demeure bien trop faible. La base des investisseurs reste étroite. Et le segment intermédiaire – celui qui pourrait porter les PME vers la taille critique – reste largement ignoré.
C’est là que se joue une bataille stratégique. L’étude appelle à une action collective pour renverser la logique actuelle. Faire en sorte que les caisses marocaines, les assurances marocaines, les family offices marocains investissent d’abord au Maroc. Faire émerger des fonds domestiques capables de financer des entreprises locales, avec des règles claires, une gouvernance solide et des retours au rendez-vous. Non plus attendre les flux extérieurs, mais structurer une épargne nationale capable d’être utile, productive, et alignée avec les priorités du pays.
Le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement est au cœur de ce changement d’échelle. Sa fonction n’est pas seulement de catalyser des capitaux, mais de réorienter la logique même de l’investissement au Maroc. En orientant les financements vers les segments délaissés, en attirant les institutionnels, en créant des compartiments dédiés, il agit comme un aiguillon pour rééquilibrer un marché encore trop polarisé.
Mais pour transformer l’essai, il faudra aller plus loin. L’étude pointe plusieurs blocages encore persistants : un cadre fiscal inadapté, des produits trop peu diversifiés, des véhicules d’investissement trop rigides. L’enjeu n’est pas de créer des dispositifs d’exception, mais de bâtir un écosystème fluide, lisible, compétitif. Un marché financier qui donne envie d’investir localement.
Le message de l’AMIC est sans ambiguïté. Le private equity n’est pas seulement une solution technique. C’est un choix stratégique. Une manière de faire émerger des champions nationaux, de diffuser les bonnes pratiques ESG, de créer de l’emploi et de renforcer l’indépendance économique. Un moyen concret de répondre aux grandes ambitions du pays sans rester dépendant de l’extérieur.
Encore faut-il que cette ambition soit partagée. Par les régulateurs, par les décideurs publics, par les investisseurs privés. L’avenir ne manque pas de projets. Il lui faut maintenant des actionnaires marocains prêts à parier, à structurer et à faire confiance à l’économie réelle du pays.