Après un mois de juillet exceptionnel, le financement des startups dans la région MENA a connu une forte baisse en août 2025. Le montant total des levées de fonds est passé de 783 millions à 337,5 millions de dollars, soit un recul de 57 %. Une correction qui, selon les experts, reflète une régulation attendue du marché plus qu’un véritable retournement.
Pour le Maroc, ce contexte régional compliqué n’a pas empêché de maintenir une présence remarquée dans le peloton de tête. Selon les données relayées par le site spécialisé Start-up, le Royaume se hisse à la quatrième place régionale grâce à une levée de 7,5 millions de dollars menée par Ora Technologies. Il se positionne juste derrière l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et, de manière plus inattendue, l’Irak.
Une reprise en main des investisseurs
Le mois de juillet avait été dopé par deux opérations exceptionnelles de 250 millions de dollars chacune, créant un pic artificiel. Le repli enregistré en août correspond donc davantage à une phase d’ajustement. Les investisseurs, devenus plus prudents, privilégient désormais les startups en phase de croissance (séries A et B), qui ont concentré près de 200 millions de dollars ce mois-là. À l’inverse, les jeunes pousses en amorçage (seed) voient les financements se raréfier.
Dans ce nouveau paysage, le Maroc tente de tirer son épingle du jeu. Les réformes engagées, les infrastructures mises en place, comme les technoparks ou les hubs privés, et l’émergence de startups solides commencent à produire des résultats concrets. Mais la marche reste haute pour espérer rivaliser avec les géants du Golfe.
Une dynamique à entretenir
La progression du Maroc ne passe pas inaperçue. La performance d’Ora Technologies démontre qu’il est possible d’attirer des capitaux internationaux même dans un contexte régional incertain. Elle souligne aussi le besoin d’un accompagnement plus structuré pour les phases de décollage. Le financement en série A reste difficile à obtenir localement, tout comme les soutiens ciblés pour les porteurs de projets au tout début de leur aventure.
Sur le plan sectoriel, plusieurs tendances se dégagent. La proptech s’impose en tête des montants levés dans la région avec 96 millions de dollars. Ce secteur, au croisement de l’immobilier et du digital, fait écho aux défis marocains en matière d’urbanisation et de logement. La fintech confirme aussi sa montée en puissance (68 millions), un terrain sur lequel le Maroc a des atouts à faire valoir : un système bancaire avancé, des ambitions fortes en matière d’inclusion financière et Casablanca Finance City comme tête de pont.
À cela s’ajoute la contech, domaine encore discret mais en croissance, avec une opération de 50 millions de dollars dans la région. Dans un pays où la construction est en plein boom, la digitalisation des chantiers et des processus pourrait offrir des gains de compétitivité majeurs.
Le virage B2B s’accélère
L’analyse des modèles économiques privilégiés par les investisseurs montre une nette bascule vers le B2B. En août, 32 startups orientées vers les services aux entreprises ont levé 180 millions de dollars, contre 117 millions pour neuf projets B2C. Cette évolution pourrait être bénéfique pour les startups marocaines, qui disposent d’un vivier d’opportunités dans les domaines de la logistique, de l’industrie ou des services numériques.
Autre point saillant : les inégalités de genre restent préoccupantes. Sur les 337 millions levés en août, 263 l’ont été par des startups fondées par des hommes, contre 72 pour deux projets portés par des femmes. Le Maroc ne fait pas exception. Malgré des avancées en visibilité, les femmes entrepreneures peinent encore à accéder aux financements nécessaires à leur développement. Des efforts supplémentaires sont attendus, notamment en matière d’accompagnement spécifique et de politiques de soutien plus inclusives.
La consolidation est de mise
Au global, la baisse d’août ne remet pas en question la dynamique annuelle : la région MENA a déjà dépassé le total des levées de fonds enregistrées en 2024. Le marché se structure, les acteurs les plus solides émergent, et les logiques d’investissement se précisent.
Pour le Maroc, l’enjeu est clair : transformer cette visibilité ponctuelle en leadership durable. Cela passera par une meilleure articulation entre les différentes étapes de financement, le développement de partenariats stratégiques – notamment avec les fonds du Golfe – et un investissement massif dans la formation aux compétences technologiques.
Le pays a les cartes en main pour faire de son écosystème entrepreneurial un véritable moteur régional. Encore faut-il aligner les moyens, les ambitions et les politiques publiques pour franchir un nouveau cap.