Dans une salle lumineuse du campus de l’Université Mohammed VI Polytechnique, à Benguerir, une dizaine d’étudiants planchent sur un modèle d’électrolyseur miniature. Concentrés, ils ajustent les capteurs, vérifient les connexions, testent les niveaux de rendement. Ici, l’hydrogène n’est plus un concept flou issu des conférences internationales, mais un sujet d’étude quotidien. À mesure que le Maroc structure son « Offre Nationale » en matière d’hydrogène vert, les universités du pays s’efforcent de former les profils qui porteront cette ambition.
Dans les couloirs du campus, les affiches vantent les mérites de la transition énergétique. Une spécialité en « Green Hydrogen & Power to X » a été ouverte cette année, en partenariat avec des laboratoires européens. « Nous avons conçu ce programme pour anticiper les besoins industriels à venir », explique un enseignant-chercheur de l’établissement. Le cursus mêle chimie appliquée, génie des procédés, modélisation des systèmes énergétiques. Les cours sont en anglais, les débouchés internationaux.
Cette montée en puissance académique répond à un signal politique fort. En début d’année, les autorités ont lancé une stratégie nationale dédiée à l’hydrogène vert, présentée comme un pilier de la souveraineté énergétique et un levier de réindustrialisation. Le Royaume mise sur son potentiel solaire et éolien pour produire localement ce carburant du futur, destiné à l’export comme à la consommation interne. Mais cette transition exige bien plus que des investissements. Elle repose sur une expertise que le pays doit construire.
À Rabat, l’Institut de Recherche en Énergie Solaire et Énergies Nouvelles (IRESEN) multiplie les projets pilotes. L’un d’eux, centré sur l’électrolyse bas carbone, mobilise une équipe mixte d’ingénieurs, doctorants et techniciens. « Le plus gros défi, c’est de faire coïncider la courbe des investissements avec celle des compétences », résume un responsable du programme. Car si les projets annoncés se concrétisent dans les délais, le pays devra disposer, dès 2027, d’une petite armée de professionnels, tous formés aux standards internationaux.
Dans les écoles d’ingénieurs publiques, la mobilisation est plus récente. À l’École Mohammadia, une option « énergies propres » a été révisée pour intégrer des modules spécifiques sur l’hydrogène. Des conférences sont organisées, mais les moyens manquent pour équiper des laboratoires complets. « On sent une vraie attente chez les étudiants, mais il faut accompagner les établissements », confie un enseignant.
Au-delà des formations scientifiques, plusieurs centres de formation professionnelle préparent des techniciens spécialisés. Le but est de créer une chaîne de compétences complète, du bureau d’étude au terrain. Dans ce chantier géant de l’énergie verte, l’humain sera déterminant. Le Maroc veut produire de l’hydrogène, mais il doit d’abord former celles et ceux qui le rendront possible.