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lundi 27 octobre 2025

Quand la Coupe du monde 2030 dope les anticipations dans l’immobilier

Pour l’immobilier, la perspective de la Coupe du monde 2030 agit déjà dès à présent comme un accélérateur. Car à peine l’organisation confirmée, plusieurs grandes villes ont vu s’intensifier les mouvements d’acquisition, notamment sur les segments à vocation locative. Les investisseurs, anticipant une hausse de la fréquentation touristique et une demande accrue en hébergements temporaires, se positionnent en amont, dans l’espoir de valoriser leurs biens d’ici cinq ans. Cet effet d’anticipation, déjà palpable, s’accompagne d’une revalorisation des fonciers bien situés, en particulier autour des futurs pôles sportifs ou dans les zones à potentiel touristique.

Cette agitation est d’autant plus marquée que l’événement s’inscrit dans un calendrier de transformation urbaine déjà engagé. Les travaux d’aménagement, les infrastructures routières, les unités hôtelières, mais aussi les équipements publics se multiplient. Pour les acteurs de l’immobilier, chaque projet devient un signal : proximité d’un futur stade, extension d’un axe de transport, nouvelle zone hôtelière. Tous ces éléments alimentent les arbitrages fonciers et redéfinissent les zones jugées porteuses à court et moyen terme.

Cependant, ce climat d’optimisme comporte aussi des risques. Dans certaines agglomérations, la demande réelle reste inférieure à l’offre projetée, ce qui pourrait créer, à terme, des poches de surinvestissement. L’expérience d’autres pays organisateurs montre que les effets bénéfiques d’un événement mondial ne sont pas automatiques ni uniformément répartis. Sans régulation ni accompagnement, la spéculation pourrait faire grimper artificiellement les prix, excluant de fait une partie des résidents des marchés centraux.

Pour éviter cet écueil, l’enjeu est double : maîtriser les dynamiques spéculatives tout en orientant l’investissement vers des projets réellement viables. Il revient aux autorités locales et aux professionnels du secteur d’encadrer cette effervescence, de veiller à la cohérence des projets immobiliers avec les besoins durables du territoire et d’intégrer pleinement les populations locales dans la transformation urbaine en cours. La réussite du Mondial 2030 passera aussi par l’héritage qu’il laissera en matière de logement, de qualité urbaine et d’inclusion.

En attendant cette échéance, l’année 2025 laisse apparaître un marché immobilier marocain traversé par une certaine tension, entre recul des transactions et stabilité des prix. Selon les données de Bank Al-Maghrib et de l’Agence nationale de la conservation foncière, le volume des ventes a reculé de 30 % au premier trimestre, suivi d’un repli de 21,2 % au deuxième. Cette baisse touche aussi bien le résidentiel que les biens professionnels et les terrains de seconde main.

Pour autant, les prix n’ont pas flanché. L’indice des prix des actifs immobiliers est resté stable, traduisant une déconnexion entre l’offre et la demande. Les données manquent encore sur le marché du neuf, mais les retours du terrain dessinent une tendance similaire.

Dans ce contexte, les opérateurs du secteur apparaissent résilients. Leur solidité structurelle et la confiance maintenue dans les perspectives à moyen terme expliquent en partie cette inertie des prix malgré le ralentissement de l’activité.

Le segment haut de gamme, peu exposé aux soubresauts conjoncturels, continue de tirer son épingle du jeu. La demande reste soutenue, portée par une clientèle solvable, qu’il s’agisse d’acquisitions résidentielles ou d’investissements locatifs. Dans les grandes villes, les prix poursuivent leur progression.

Le moyen standing, de son côté, anime surtout le marché de la revente. L’offre en neuf y est devenue quasi inexistante dans les centres urbains. Quant au logement économique, il connaît un regain d’intérêt avec la mise en œuvre du programme « Daam Sakane », lancé en janvier 2024. Prévu jusqu’en 2028, ce dispositif d’aide directe aux primo-acquéreurs a stimulé la demande, sans que celle-ci ne se traduise encore pleinement en actes d’achat.

Le principal frein réside dans la rareté du logement à 300.000 dirhams, notamment dans les grandes agglomérations. L’offre reste limitée, ce qui freine l’effet d’entraînement attendu du programme.

Les professionnels, eux, évoluent dans un écosystème complexe. Les promoteurs immobiliers font face à la pénurie de foncier abordable, à une fiscalité jugée dissuasive et à des procédures lourdes. Ils dénoncent également un manque d’écoute des pouvoirs publics.

Les agences immobilières pâtissent de l’absence de cadre réglementaire. En l’absence de loi encadrant leur activité, le marché informel se développe, porté par la figure omniprésente du « semsar », courtier de rue non déclaré. Cette concurrence, parfois frontale, parfois complémentaire, reflète les ambiguïtés d’un marché encore mal régulé.

Les notaires, enfin, saluent la dématérialisation des services, tout en pointant les difficultés techniques récurrentes rencontrées sur les plateformes numériques. Ces lenteurs ajoutent de la pression dans un contexte de délais légaux contraints et d’exigences croissantes de la clientèle.

La relation entre l’offre et la demande, elle, ne peut être abordée de façon uniforme. Chaque ville connaît sa propre dynamique. Il n’existe pas un marché immobilier marocain, mais une constellation de marchés, aux rythmes parfois divergents. Les indicateurs du deuxième trimestre confirment cette prudence : l’activité reste terne, même si les données du troisième trimestre, attendues prochainement, pourraient signaler une inflexion.

Aucune région ne se distingue nettement pour l’instant. Le premier semestre dessine un paysage globalement atone, sans flambée ni effondrement.

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