Il a suffi d’un soir au théâtre Mohammed V pour que le passé se confonde avec le présent. À Rabat, le public du Festival Mawazine a assisté, médusé, à la réapparition sur scène d’Abdelhalim Hafez. Plus de quarante ans après sa mort, la légende de la chanson arabe a été ressuscitée par hologramme, dans un concert aussi bouleversant que spectaculaire.
Lundi soir, la salle était pleine à craquer. Sur les visages, l’émotion le disputait à l’émerveillement. Lorsque la silhouette d’Abdelhalim Hafez s’est matérialisée, au milieu des musiciens, les applaudissements ont jailli comme un cri du cœur. Les premières notes de « El Maa’ Wal Khodra », chanson hommage au Maroc, ont suffi pour installer une atmosphère suspendue, où les souvenirs s’invitaient au présent.
Le travail de reconstitution était d’un réalisme saisissant. Chaque geste, chaque expression, chaque inclinaison du visage semblait familier. Le port de tête, les mouvements des bras, la manière de s’adresser à l’orchestre ou de jouer avec les silences, tout évoquait ce magnétisme intact qui faisait de lui une icône.
À mesure que résonnaient « Bahebek », « Awel Mara », « Gana El Hawa » ou encore « Asmar ya Smarani », le public entonnait les paroles, emporté par un mélange de ferveur et de nostalgie. Il ne s’agissait plus d’un simple concert, mais d’une communion. Le passé reprenait corps, l’émotion était brute, presque palpable.
L’orchestre, présent sur scène, dialoguait avec l’image virtuelle dans une scénographie millimétrée. L’ensemble offrait un hommage vibrant à celui que l’on surnommait le « Rossignol brun », dont la voix continue de résonner dans la mémoire collective du monde arabe.
Après l’hologramme d’Oum Kalthoum présenté l’an dernier, Mawazine poursuit son exploration audacieuse de la technologie au service de la mémoire musicale. En donnant une nouvelle vie à ces géants de la chanson, le festival transforme la nostalgie en expérience vivante.
Pour sa vingtième édition, placée sous le Haut Patronage du Roi Mohammed VI, Mawazine confirme ainsi sa capacité à allier innovation et héritage. Du 20 au 28 juin, Rabat et Salé accueillent une programmation dense, où se mêlent rythmes du monde et voix du passé retrouvées.