Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont des menaces majeures pour l’intégrité du système financier mondial. Le Maroc a pris des mesures fortes pour y faire face en renforçant son cadre législatif et institutionnel. La publication d’un guide inédit par Bank Al-Maghrib, l’Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF), la Commission Nationale chargée de l’application des sanctions des Nations Unies (CNASNU), l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) et l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) s’inscrit dans cette dynamique.
Le blanchiment de capitaux repose sur un processus en trois étapes : le placement des fonds dans le circuit financier, leur transformation à travers des transactions complexes pour en masquer l’origine et leur réintégration dans l’économie sous une apparence légale. Ce phénomène alimente la criminalité et l’instabilité économique en permettant aux organisations criminelles de recycler l’argent issu d’activités illicites. Le financement du terrorisme, quant à lui, repose sur la collecte et le transfert de fonds destinés à financer des actes criminels. La difficulté réside dans le fait que ces fonds peuvent être d’origine totalement légale, ce qui rend leur détection plus complexe.
Le Maroc a franchi un cap décisif en février 2023 en sortant de la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI), un organisme international qui surveille la mise en œuvre des normes de lutte contre la criminalité financière. Cette sortie a été obtenue grâce à un renforcement du cadre juridique et à la mise en conformité avec les 40 recommandations du GAFI. Le Royaume s’est doté d’un arsenal législatif strict à travers la loi n° 43-05, qui impose aux banques, aux assurances et aux professions réglementées un devoir de vigilance accru sur les transactions financières.
Les établissements financiers sont soumis à des règles précises, notamment l’obligation de déclarer toute transaction suspecte et de surveiller les opérations en espèces de plus de 100 000 dirhams. De plus, toute déclaration de soupçon doit être transmise à l’ANRF, qui se charge de l’analyse et de la transmission des informations aux autorités compétentes. Les institutions doivent également conserver les documents liés aux transactions suspectes pendant au moins cinq ans, facilitant ainsi les enquêtes en cas d’infraction.
Les autorités marocaines sont en première ligne pour garantir l’efficacité de ce dispositif. Bank Al-Maghrib supervise les établissements bancaires et veille à l’application des règles de vigilance. L’ANRF reçoit et analyse les déclarations de soupçon avant de les transmettre aux instances judiciaires si nécessaire. La CNASNU applique les sanctions financières internationales, notamment le gel des avoirs des individus ou entités suspectées de financer des activités criminelles. L’AMMC contrôle les acteurs du marché financier et impose des règles strictes aux sociétés de bourse et aux gestionnaires d’actifs. L’ACAPS veille au respect des obligations par les compagnies d’assurance et les intermédiaires financiers.
Les sanctions prévues en cas d’infraction sont sévères. Les personnes physiques reconnues coupables de blanchiment de capitaux encourent une peine de 2 à 5 ans de prison et des amendes allant de 50 000 à 500 000 dirhams. En cas de financement du terrorisme, la peine peut aller de 5 à 20 ans de réclusion avec des amendes comprises entre 500 000 et 2 000 000 de dirhams. Les personnes morales impliquées dans ces infractions risquent des amendes pouvant atteindre 5 000 000 de dirhams, ainsi que la dissolution de l’entreprise en cas de récidive. Les peines sont systématiquement doublées en cas de récidive, de blanchiment en bande organisée ou d’utilisation des facilités d’une activité professionnelle.
Au-delà des sanctions, la lutte contre le blanchiment de capitaux repose également sur des dispositifs de prévention et de contrôle renforcés. Les banques, les compagnies d’assurances et les sociétés de gestion doivent mettre en place des mécanismes de surveillance et d’évaluation des risques. Les professionnels de la finance sont tenus de former leurs employés aux enjeux du blanchiment et du financement du terrorisme afin d’identifier les signaux d’alerte. Les autorités insistent sur l’importance d’une coopération accrue entre les secteurs public et privé, ainsi que sur la nécessité de partager les informations au niveau international pour empêcher les flux financiers illicites de traverser les frontières.