En moins de vingt ans, la carte bancaire de l’Afrique subsaharienne s’est redessinée. Les grands groupes européens, longtemps dominants, cèdent progressivement leurs positions. Dans le même temps, des acteurs africains – et en premier lieu marocains – prennent le relais, affirmant leur ambition sur un marché en pleine mutation.
Le dernier épisode en date illustre parfaitement ce basculement. Le 11 août 2025, Société Générale a finalisé la vente de sa filiale mauritanienne à un consortium formé d’Enko Capital et d’Oronte. Cette cession, qui fait suite à plusieurs retraits récents du groupe au Congo, au Tchad, au Mozambique et même au Maroc, s’inscrit dans une stratégie de recentrage sur les marchés jugés les plus rentables. En Mauritanie, la banque comptait jusqu’alors 11 agences, près de 40 000 clients et affichait un produit net bancaire de 35 millions d’euros pour un bénéfice net de 9,9 millions.
Société Générale n’est pas un cas isolé. Barclays a mis un terme en 2024 à près de 90 ans de présence africaine en cédant sa dernière participation dans Absa. Standard Chartered a quitté la même année cinq pays – Angola, Cameroun, Gambie, Sierra Leone et Zimbabwe – pour concentrer ses efforts sur des marchés à croissance plus rapide. BNP Paribas a amorcé son retrait dès 2019, se séparant progressivement de ses filiales au Gabon, en Guinée, au Sénégal et en Côte d’Ivoire.
Dans cet espace laissé vacant, les banques marocaines avancent leurs pions. Attijariwafa Bank, déjà implantée dans 26 pays, a bâti le réseau panafricain le plus dense du continent. Bank of Africa, présente dans une quinzaine de marchés, renforce ses positions en Afrique de l’Ouest et de l’Est. La Banque Centrale Populaire poursuit quant à elle une stratégie d’acquisitions ciblées, notamment à travers l’intégration d’Atlantic Bank Group en Afrique de l’Ouest.
Leur succès s’explique par une connaissance fine des marchés locaux, une capacité d’adaptation rapide et un ancrage régional qui inspire la confiance. Là où les groupes européens privilégient désormais la rentabilité immédiate, les établissements marocains misent sur le temps long, accompagnant les États et les entreprises dans des secteurs stratégiques comme l’agriculture, les mines, l’énergie ou les PME.
Ce changement de rapport de force reflète une tendance lourde : la montée en puissance d’un secteur bancaire africain porté par ses propres champions. Les banques marocaines ne se contentent plus de suivre le mouvement ; elles en fixent désormais le rythme.