Les collectivités territoriales ont de l’argent… et pas qu’un peu ! Avec un excédent record de 10,2 milliards de dirhams, elles pourraient presque s’offrir un lifting de luxe. Mais entre prudence et inertie, la question se pose : cet argent va-t-il vraiment améliorer le quotidien des citoyens ou simplement demeurer en standby en attendant des jours meilleurs ?
L’exécution des budgets des collectivités territoriales (CT) révèle en tout cas un excédent global de 10,2 milliards de dirhams (MMDH) à fin 2024, contre 6,1 MMDH une année auparavant, selon les dernières données de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR). Une performance notable qui soulève des interrogations sur la gestion financière des CT et leur capacité à investir dans des services publics plus efficaces.
Une hausse des recettes portée par l’État
Les recettes ordinaires des CT ont enregistré une augmentation de 14,8%, atteignant 53,1 MMDH. Cette progression est principalement attribuable à la hausse de 13,5% des recettes transférées, de 26,4% des recettes gérées par l’État et de 8,7% des recettes gérées directement par les CT. Cette dynamique souligne une dépendance persistante des collectivités aux financements étatiques, posant la question de leur autonomie financière et de leur capacité à générer des ressources propres.
Par ailleurs, les excédents cumulés des CT s’élèvent à 59,1 MMDH, intégrant ceux des années précédentes et de 2024. Si ces réserves constituent un matelas financier rassurant, elles mettent en lumière un paradoxe budgétaire : alors que les collectivités accumulent des excédents, elles peinent parfois à exécuter leurs investissements dans des délais raisonnables.
Une croissance des dépenses limitée pour des engagements, pourtant, en hausse…
Les dépenses ordinaires des CT ont progressé de 4,5% pour atteindre 28 MMDH. Cette hausse est notamment due à l’augmentation des dépenses de biens et services (+6,5%), des dépenses de personnel (+1,9%) et des charges d’intérêts de la dette (+8,1%). Cette maîtrise relative des dépenses interroge : les CT disposent-elles des marges budgétaires suffisantes pour améliorer la qualité des services publics ?
Une part importante de l’excédent, 2,901 MMDH, provient des comptes spéciaux et des budgets annexes. Ces fonds sont destinés à couvrir les dépenses engagées, mais non encore payées, reportées sur l’année 2025. Ainsi, les excédents ne traduisent pas nécessairement une capacité d’investissement immédiate, mais plutôt un décalage temporel dans l’exécution budgétaire.
Un équilibre budgétaire à relativiser
Si l’excédent global semble être le signe d’une gestion budgétaire rigoureuse, il révèle surtout des arbitrages prudents, voire une sous-exécution des budgets d’investissement. Dans un contexte de pressions accrues sur les infrastructures locales, notamment en matière de transport, d’assainissement et d’urbanisme, une plus grande efficacité dans l’engagement des dépenses devient impérative.
Par ailleurs, les communes concentrent 60,4% des excédents globaux des CT, renforçant leur rôle central dans la gestion des finances locales. Cette concentration des ressources pose également la question de l’équité territoriale et de la répartition des fonds entre les différentes catégories de collectivités.
Perspectives et enjeux pour 2025
Les collectivités territoriales doivent désormais relever un défi de taille : transformer ces excédents en investissements concrets et impactants. Si l’accroissement des recettes est une tendance encourageante, elle ne doit pas masquer la nécessité d’une réforme de la fiscalité locale visant à renforcer l’autonomie financière des CT.
Le principal enjeu réside donc dans la capacité des collectivités à accélérer l’exécution de leurs projets tout en optimisant leurs ressources. La mise en place de mécanismes de suivi plus rigoureux et une meilleure planification budgétaire s’imposent pour éviter que les excédents ne deviennent une simple réserve de précaution plutôt qu’un levier de développement local.
Mohamed MOUNADI