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lundi 30 juin 2025

Carburants : des marges en baisse, mais toujours bien rentables !

Alors que les cours mondiaux des carburants raffinés ont connu une relative stabilité sur la fin de l’année 2024, le marché marocain du gasoil et de l’essence a continué d’être scruté à la loupe. Dans son quatrième reporting trimestriel, le Conseil de la concurrence dresse un état des lieux précis de l’activité des neuf grandes sociétés de distribution concernées par les accords transactionnels signés avec l’instance en 2022. Un rapport dense, où se croisent chiffres d’importation, structure des prix, marges brutes et comportement commercial.

Un volume d’importation en hausse, mais une facture en baisse

Au dernier trimestre 2024, les importations marocaines de gasoil et d’essence ont atteint 1,68 million de tonnes, soit une progression de 15,7 % en volume par rapport à la même période un an plus tôt. En valeur, en revanche, la facture globale s’est contractée de 11,8 %, pour un total de 12 milliards de dirhams. Ce paradoxe s’explique par la baisse des cours internationaux et la nature des contrats d’achat à l’international.

Les neuf distributeurs concernés ont représenté à eux seuls 82 % de ces importations, avec 1,37 million de tonnes de carburant acheminées, pour une valeur de 9,84 MMDH. Cette activité reste concentrée, malgré l’existence de 31 importateurs agréés au niveau national.

Côté finances publiques, les recettes fiscales issues des importations de carburants ont bondi de 11,6 % au 4ᵉ trimestre 2024, atteignant 7,1 MMDH. La hausse provient principalement de la Taxe Intérieure de Consommation (TIC), qui à elle seule a généré 5,34 MMDH, contre 4,53 MMDH un an auparavant. En revanche, la TVA à l’importation a légèrement reculé (-3,8 %), s’établissant à 1,76 MMDH.

Ventes : la reprise se confirme

Sur le front de la distribution, les volumes écoulés par les neuf sociétés ont augmenté de 7,1 % pour atteindre près de 1,9 milliard de litres sur le trimestre, soit 84,5 % sous forme de gasoil. Mais cette dynamique ne se reflète pas dans les chiffres d’affaires : en valeur, les ventes ont reculé de 12,6 %, totalisant 18,35 MMDH contre 20,99 MMDH à la même période de 2023. Un recul qui confirme l’effet prix observé sur le marché.

Le réseau de distribution, quant à lui, continue de s’étendre. À fin décembre 2024, le Maroc comptait 3 534 stations-service, dont 2 535 exploitées par les sociétés sous monitoring, soit 71,7 % du total.

Une structure de prix sous haute tension

L’analyse de la corrélation entre les cours internationaux (cotation CIF), les coûts d’achat réels et les prix de cession nationaux dévoile une décorrélation croissante. Si les cotations du gasoil ont progressé de 16 centimes par litre au 4ᵉ trimestre, les prix de cession hors taxes ont reculé de 49 centimes, dont 29 centimes de baisse sur le coût d’achat. L’écart est moins marqué pour l’essence, où les prix de cession ont chuté de 39 centimes alors que les cotations sont restées quasiment inchangées.

Cela témoigne d’un effort de répercussion plus marqué des baisses de coûts sur les prix de vente dans un contexte de pression réglementaire et d’attention accrue à la transparence tarifaire.

Marges brutes : baisse confirmée et explicable !

Les marges brutes commerciales des sociétés sous observation ont également suivi une trajectoire descendante. Pour le gasoil, elles s’établissent à 1,28 DH/L, contre 1,46 DH/L au trimestre précédent. Celles de l’essence passent de 2 DH/L à 1,67 DH/L. En comparaison annuelle, ces marges demeurent en dessous des moyennes de 2024 (1,35 DH/L pour le gasoil et 1,88 DH/L pour l’essence).

Cette contraction s’explique à la fois par une plus grande sensibilité aux variations de prix sur un marché libéralisé et par un environnement de surveillance renforcée, où la moindre inflation de marge pourrait déclencher des sanctions.

Prix à la pompe : qui prend quoi ?

La décomposition du prix final à la pompe met en lumière la répartition des coûts pour le consommateur marocain. Sur un litre de gasoil vendu à 11,57 dirhams, 6,23 DH vont au coût d’achat, 3,58 DH aux taxes, 1,28 DH à la société de distribution, et 0,48 DH au gérant de station. Pour l’essence, vendue à 13,51 DH/L, les composantes sont respectivement de 6,21 DH (achat), 5,11 DH (fiscalité), 1,67 DH (distributeur) et 0,52 DH (station-service).

En pourcentage, les taxes représentent 31 % du prix du gasoil et 38 % de celui de l’essence. Le coût d’achat reste la composante majeure, avec plus de 50 % du prix final.

Une transparence toujours sous tension

Ce rapport trimestriel vient confirmer la tendance : les sociétés sous engagement respectent globalement les conditions des accords transactionnels, notamment en matière de répercussion des coûts et de limitation des marges. Mais les marges restent substantielles, les disparités entre essence et gasoil persistantes, et la transparence toujours scrutée de près par le Conseil de la concurrence.

En attendant une réforme en profondeur du cadre réglementaire du secteur pétrolier, ces reportings trimestriels demeurent un instrument clé de régulation a posteriori. Pour le consommateur, ils constituent une précieuse fenêtre sur un secteur aussi vital qu’opaque.

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