Le groupe de télécoms et de médias français dirigé par Patrick Drahi, Altice, serait sur le point de tourner une page importante. L’homme d’affaires envisagerait de vendre sa participation majoritaire dans Intelcia. Cette décision s’inscrirait dans une stratégie de désengagement visant à réduire une dette colossale, aujourd’hui estimée à près de 24 milliards d’euros.
Selon des informations confirmées par Le Monde, c’est lors d’une réunion interne à Paris en juillet 2025, Karim Bernoussi, PDG et cofondateur d’Intelcia, aurait confirmé des discussions avec des investisseurs marocains pour reprendre les parts d’Altice.
Le média français y évoque des représentants syndicaux présents lors de ladite réunion, indiquant qu’il s’agirait de « family offices » marocains. Ces structures gèrent les portefeuilles de grandes familles et pourraient s’associer à des cadres dirigeants d’Intelcia pour former un tour de table local.
Une opération discrète, mais stratégique pour Intelcia
Aucune date n’a été annoncée et les conditions de l’opération restent floues. Les discussions semblent toujours en cours, dans un contexte tendu pour Altice, confronté à un lourd désendettement.
Mais si elle se confirme, cette cession constituerait un tournant historique pour Intelcia, l’un des plus grands succès du secteur privé marocain à l’international.
Intelcia est devenu en quelques années un acteur majeur du secteur de l’outsourcing. Présente dans 19 pays, l’entreprise emploie plus de 40.000 personnes, dont 4.000 en France. En 2024, elle aurait généré un chiffre d’affaires proche de 766 millions d’euros.
En France, le groupe gère notamment une partie des activités de SFR, filiale d’Altice et client historique d’Intelcia.
C’est en 2016 qu’Altice prend 65 % du capital d’Intelcia, permettant au groupe marocain de changer de dimension. En moins de dix ans, son chiffre d’affaires comme ses effectifs ont été multipliés par dix. Cette croissance rapide s’explique à la fois par le soutien d’Altice et par la montée en puissance d’Intelcia sur les marchés européens.
Une valorisation difficile à établir
Intelcia reste une société non cotée, ce qui complique l’estimation de sa valeur. Lors de la prise de participation en 2016, Patrick Drahi l’avait évaluée à 50 millions d’euros. Aujourd’hui, certains évoquent une valorisation potentielle proche du milliard, mais aucun chiffre officiel n’a été divulgué.
L’absence de communication sur les indicateurs financiers clés comme l’EBITDA renforce les incertitudes.
Un secteur fragilisé par l’IA
Intelcia évolue dans un secteur en mutation. Les centres d’appels subissent une pression croissante liée à l’automatisation. Les géants comme Teleperformance ou Concentrix ont vu leur cours de Bourse chuter récemment.
En cause : les avancées rapides de l’intelligence artificielle, perçues comme une menace directe pour les métiers de la relation client.
SFR sous tension
La santé d’Intelcia est également liée à celle de SFR, dont Altice pourrait bientôt céder une partie du capital. Une telle opération, si elle se concrétise, fragiliserait les relations contractuelles entre les deux entreprises.
Or, près de 50 % des activités d’Intelcia dépendent actuellement de SFR. Un changement de stratégie de l’opérateur français pourrait avoir des répercussions directes sur l’emploi, notamment dans les sites africains.
Inquiétudes sociales sur les sites africains
Les syndicats d’Intelcia évoquent une possible « casse sociale » si les contrats avec SFR ne sont pas renouvelés. Les plateformes marocaines et africaines, où sont traitées les demandes des clients de SFR, pourraient être les premières touchées.
Cette menace pèse sur des milliers d’emplois, principalement au Maroc, pays d’origine du groupe.
Pour de nombreux observateurs, la vente des parts d’Altice pourrait marquer un retour à une gouvernance marocaine d’Intelcia. Ce scénario est perçu comme une opportunité stratégique pour le royaume, renforçant sa souveraineté économique dans un secteur d’avenir.