Le clinker est au cœur de l’industrie cimentière marocaine. Sa production repose sur un processus énergivore à travers lequel un mélange de calcaire et d’argile est porté à des températures avoisinant les 1 450°C avant d’être broyé pour produire du ciment Portland. Ce processus, bien que fondamental pour l’industrie de la construction, expose les producteurs à des coûts de production élevés et à une forte dépendance aux marchés internationaux.
Le Maroc s’est positionné comme un acteur clé de l’exportation de clinker. En 2022, le pays a exporté pour 81,4 millions de dollars, ce qui en avait fait le 12ᵉ exportateur mondial. Ses principales destinations incluent des pays d’Afrique de l’Ouest comme la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Cameroun, qui dépendent de l’importation de clinker pour leur industrie du ciment. Pourtant, cette dynamique, qui semblait être une opportunité économique stable, a connu un ralentissement en 2024.
Les raisons de cette baisse sont multiples. La concurrence internationale s’est intensifiée avec des pays comme la Turquie et l’Inde, qui disposent de coûts de production plus bas et offrent un produit plus compétitif sur le marché africain. Par ailleurs, les fluctuations des coûts du fret maritime, accentuées par les crises géopolitiques, ont pesé sur la rentabilité des exportateurs marocains. À cela s’ajoutent les nouvelles réglementations environnementales européennes, qui imposent des taxes carbone, rendant l’importation de clinker marocain moins attractive sur ces marchés.
Au-delà des enjeux commerciaux, la production de clinker est également un défi sur le plan énergétique. La fabrication repose encore majoritairement sur des combustibles fossiles comme le charbon et le coke de pétrole, ce qui la rend vulnérable aux hausses des prix de l’énergie. Certains industriels marocains explorent des solutions plus durables, telles que l’incorporation de biomasse et de déchets industriels dans les fours, mais ces initiatives restent limitées à ce stade.
Dans ce contexte, les entreprises marocaines continuent à être impactées. LafargeHolcim Maroc a vu son chiffre d’affaires annuel baisser de 0,7 % pour s’établir à 8 155 millions de dirhams. Cette diminution, bien que légère, s’explique en grande partie par la baisse des exportations de clinker. À l’inverse, Ciments du Maroc a mieux résisté grâce à une diversification de ses activités, enregistrant une croissance de 4 %, notamment grâce au béton prêt à l’emploi.
Malgré cet état de fait, l’industrie cimentière marocaine bénéficie tout de même de perspectives encourageantes. La demande intérieure demeure forte, notamment grâce aux grands chantiers d’infrastructures liés à la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et à la Coupe du Monde 2030. Par ailleurs, les programmes d’aide au logement récemment mis en place devraient stimuler la consommation de ciment et compenser, en partie, la volatilité des exportations de clinker.