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mercredi 29 octobre 2025

Crédit, rigidités, politiques publiques… : le vrai visage du marché immobilier

Les liens entre politique monétaire et prix de l’immobilier au Maroc restent encore très mal documentés, malgré le poids croissant du secteur dans l’économie nationale. Une récente étude conduite par Hassnae Hammou Ou Ali, chercheuse au sein du département de la recherche de Bank Al-Maghrib, apporte des éléments nouveaux sur cette relation, à partir d’un large jeu de données couvrant la période 2006-2024.

L’analyse s’appuie sur un modèle économétrique de type SVAR, permettant d’évaluer les effets différés des décisions monétaires sur les prix des actifs immobiliers. Il en ressort que les hausses de taux d’intérêt induisent bel et bien un recul des prix immobiliers, mais avec un décalage important, révélateur de certaines rigidités structurelles du marché marocain.

Un relèvement de 12 points de base du taux des bons du Trésor à un an entraîne une baisse des prix de l’immobilier d’environ 0,3 % après six trimestres. De même, une hausse de 10 points de base du taux interbancaire moyen se traduit par un repli de 0,35 % sur la même période. Ces résultats confirment la sensibilité du secteur aux variations du coût du crédit, tout en soulignant la lenteur du mécanisme de transmission.

Le secteur immobilier marocain, fortement interconnecté au système bancaire, pèse aujourd’hui pour plus du quart de l’encours total des crédits. En 2023, les prêts immobiliers s’élevaient à 303 milliards de dirhams, dont 243 milliards consacrés au logement, un montant en constante progression. Les financements accordés aux promoteurs, en revanche, stagnent depuis 2012 autour de 55 milliards de dirhams.

L’essor du financement participatif, avec les produits « Murabaha immobilière », vient également renforcer l’offre de crédit. Ce type de financement a crû de 16 % entre 2023 et 2024 pour atteindre 25 milliards de dirhams. Un développement soutenu par les politiques publiques en faveur de l’accession à la propriété, comme les programmes « Fogarim » ou « Daam Sakane », qui ciblent les ménages à revenus faibles ou intermédiaires.

En dépit de la crise sanitaire de 2020, le marché a démontré sa résilience. Les transactions résidentielles sont restées dynamiques, oscillant entre 90 000 et 160 000 opérations par an. Les segments commercial et foncier, en revanche, demeurent moins actifs. Après plusieurs années de baisse, les prix immobiliers se sont stabilisés en 2023, portés notamment par l’annonce de l’organisation conjointe du Mondial 2030, par l’essor des transferts MRE et par une amélioration générale du climat économique.

L’étude conclut à un effet réel, mais modéré et retardé, des chocs monétaires sur les prix de l’immobilier. Ce décalage s’explique en grande partie par la structure du marché marocain, encore dominé par les taux fixes, un accès limité au crédit hypothécaire et une part importante d’opérations informelles. Autant de spécificités qui réduisent l’impact immédiat des décisions de politique monétaire.

Ces conclusions invitent les décideurs à mieux intégrer les caractéristiques locales dans la conduite de leur politique, en particulier dans un contexte où la stabilité financière passe aussi par une régulation fine du marché immobilier.

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L'invité du Nouvelliste Maroc

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