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lundi 3 novembre 2025

De Ramapar à la fintech cotée : le parcours XXL de Cash Plus

Vendredi 31 octobre, l’annonce de l’introduction de Cashplus en bourse marque une nouvelle étape dans le parcours de cette fintech marocaine devenue incontournable. L’opération, d’un montant total de 750 millions de dirhams, s’inscrit dans une stratégie de consolidation, de renforcement des fonds propres et d’accélération de la digitalisation, avec en ligne de mire une inclusion financière plus large à l’échelle nationale.

Ce mouvement n’a rien d’un aboutissement. C’est le prolongement naturel d’une trajectoire de croissance entamée en 2004, comme l’a rappelé Nabil Amar, directeur général du groupe depuis l’été 2025, en succédant à son père, fondateur de l’entreprise. « Ce moment est historique, mais il s’inscrit dans un processus plus vaste, durable, construit sur des bases solides », a-t-il affirmé lors de la conférence de presse.

La cotation en Bourse, validée par l’AMMC, repose sur une double opération : 400 millions de dirhams levés via une augmentation de capital, et 350 millions issus d’une cession d’actions, le tout au prix unitaire de 200 dirhams. L’ouverture des souscriptions est prévue du 19 au 25 novembre, avant une première cotation début décembre.

Lorsque Ramapar est fondée en 2004, elle opère essentiellement comme relais de Western Union. En 2010, elle devient Cash Plus et prend position sur le marché du transfert domestique. Deux ans plus tard, elle s’impose comme acteur central du secteur. L’entrée de Mediterrania Capital Partners au capital en 2014 vient structurer l’actionnariat. L’année suivante, l’acquisition de Payment Network permet un élargissement des services et une refonte complète de l’image.

Dès 2016, Cash Plus opère une bascule numérique avec la digitalisation du transfert d’argent en ligne. Suivent l’extension aux paiements de factures et d’impôts, puis, en 2018, le lancement du portefeuille mobile M-Wallet et la création du réseau Khadamat. Cette même année, la famille Tazi rejoint le capital via les holdings Duquesa et Merydinal.

L’obtention en 2019 de l’agrément d’établissement de paiement par Bank Al-Maghrib ancre définitivement l’entreprise dans le paysage financier réglementé. De 2021 à 2023, l’entreprise accentue son ancrage social à travers des services à impact : partenariat avec la CNSS, soutien au programme Tayssir, aides d’urgence post-séisme. En 2024, trois investisseurs institutionnels de référence — IFC, FMO et MCP — injectent 600 millions de dirhams, valorisant la société à 2 milliards. Un an plus tard, l’introduction en Bourse vient valider un cycle.

Gouvernance, parité et pilotage renforcé

L’évolution de la gouvernance accompagne celle du groupe. Le conseil d’administration présidé par Nabil Amar comprend huit membres, dont deux indépendants et trois femmes, une composition encore rare dans le secteur. Deux comités stratégiques — audit et gouvernance — ont été créés, sous la direction de Lamia Rida et Imane Amar. À cela s’ajoutent plusieurs structures opérationnelles qui pilotent les produits, la relation client ou encore les questions environnementales et sociales.

Le top management s’est étoffé autour de deux directeurs généraux délégués, Adil Tahri et Soufiane El Achouri. Ils s’appuient sur une équipe de direction féminine majoritaire, composée notamment de Fadoua Essahli (RH), Safia Njoumi (risques), Zineb Fassy El Fehry (conformité) et Soumaya Tba (qualité et projets). La culture d’entreprise, marocaine dans ses fondements, s’est ainsi ouverte à une gouvernance moderne, structurée et inclusive.

Les familles Amar et Tazi conserveront chacune 35,1 % du capital après l’introduction, avec un engagement de conservation sur sept ans. Mediterrania Capital Partners reste actionnaire à hauteur de 14,3 %, et le flottant atteindra 15,5 %, assurant à la fois continuité, stabilité et ouverture.

Avec près de 5 000 agences, dont près d’un quart en zones rurales, appuyées par plus de 2 000 partenaires Khadamat, Cash Plus revendique le réseau le plus dense du pays. Ce maillage repose sur plus de 4 200 franchisés et 1 600 collaborateurs. L’application Cash Plus Mobile Wallet, utilisée par 1,3 million de clients, propose des services allant de l’ouverture de compte à la réception d’aides sociales, en passant par le paiement de factures et les recharges.

L’entreprise maîtrise l’ensemble de son infrastructure digitale. Son système d’information a été conçu en interne, permettant à la fois agilité et sécurité. En voie de certification ISO 27001, le groupe dispose de son propre centre de supervision de la sécurité. L’intelligence artificielle y est déjà utilisée pour les processus KYC, la détection de fraude et la personnalisation des parcours clients.

Performances solides et dynamique RH

Entre 2022 et 2024, Cash Plus a enregistré une croissance annuelle moyenne de 30,3 % de ses produits de commission, atteignant 1,6 milliard de dirhams. Le produit net bancaire a crû de 31,4 %, et le résultat net part du groupe de 27,5 %. En 2025, le PNB prévu s’élève à 879 millions, pour un résultat net estimé à 237 millions et des fonds propres à 380 millions. Les relais de croissance sont multiples : transferts d’argent, paiement de factures, logistique avec Go Plus Express, ou encore le e-commerce via Go Plus Logistics.

Sur le plan humain, la politique RH s’organise autour de la diversité et du mérite. Les femmes représentent 45 % de l’effectif, 49 % des cadres et 35 % de la direction. Entre 2022 et mi-2025, 93 500 heures de formation ont été dispensées. Le système de rémunération combine fixe, variable et primes sur objectifs, en valorisant la performance collective.

Le modèle de franchise constitue un autre levier d’impact. Plus de 3 500 entrepreneurs opèrent des agences Cash Plus, générant un revenu régulier dans des zones parfois dépourvues d’infrastructure bancaire.

Cash Plus est présente dans 119 localités où elle constitue l’unique point d’accès financier. Sa stratégie RSE repose sur quatre piliers : inclusion, développement territorial, gouvernance éthique et transition écologique. Parmi ses projets : la série éducative Jawab Cash, les partenariats pédagogiques avec Mustapha Swinga et One Hand, ou encore les programmes de bourses étudiantes avec Jadara et SOS Villages Maroc.

Dans le cadre des aides sociales, le groupe a ouvert 1,5 million de comptes spécifiques, distribué 577 millions de dirhams, livré 25 tonnes de matériel et déployé des agences mobiles en zones enclavées.

Ambitions de croissance et ouverture au public

Le contexte marocain reste favorable : le taux de bancarisation a gagné six points en cinq ans, les points d’accès financiers ont doublé, et 80 % sont opérés par des établissements de paiement. Cash Plus entend doubler son activité d’ici 2027, porter son réseau à 10 000 agences et lancer une centaine de nouveaux produits digitaux, dont une super-application.

Le tourisme, avec plus de 17 millions de visiteurs en 2024, offre un autre relais de croissance à travers les devises et les services de change. Cash Plus prévoit de développer ses plateformes de paiement pour les professionnels du secteur.

L’introduction en Bourse s’ouvre à tous les profils. L’opération est structurée en trois tranches, dont une spécifique aux salariés et dirigeants, à prix préférentiel. Le reste est réparti entre investisseurs institutionnels et particuliers. La coordination est assurée par CFG Finance.

L’introduction en Bourse ne vise pas seulement à lever des fonds. Elle traduit une volonté d’ouvrir l’entreprise aux citoyens. « Nous voulons que chaque Marocain, même novice en Bourse, puisse être partie prenante », a déclaré Nabil Amar.

En deux décennies, Cash Plus a bâti un modèle hybride, entre proximité et digital, croissance et inclusion. Son entrée à la Bourse de Casablanca consacre cette trajectoire et envoie un signal fort : au Maroc, une entreprise financière indépendante peut allier ambition économique, ancrage social et transparence.

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