C’est un rituel presque sacré : chaque année, lorsque les premières notes du Festival Gnaoua résonnent à Essaouira, un nom s’impose naturellement, celui de Hamid El Kasri. Figure tutélaire de la tradition tagnaouite, le mâalem revient sur la scène Moulay El Hassan comme on retrouve une terre familière, avec cette présence magnétique qui semble contenir, à elle seule, toute la mémoire du festival.
Cette fois encore, il ne s’est pas contenté d’ouvrir le bal. Il a invoqué les esprits, réveillé les énergies, et embarqué le public dans une traversée aux confins du sacré et du spectacle. À ses côtés, la Compagnie Bakalama du Sénégal a fait jaillir une tempête. Sur scène, les corps s’animent, les costumes vibrent de mille couleurs, et les percussions martèlent comme un cœur en transe. La fusion est totale, organique.
Le lien entre les traditions gnaoua et africaines saute aux yeux, ou plutôt au cœur. La rencontre ne se pense pas, elle se vit. Elle danse.
Dans cette effervescence, deux voix de femmes se frayent un chemin lumineux. Abir El Abed, dont c’est la première apparition au festival, capte l’attention par la pureté de son timbre.
Quant à Kya Loum, étoile montante de la soul ouest-africaine, elle imprime sa voix à la soirée comme on grave un chant ancien sur une peau tendue. Son émotion brute fait écho à celle d’un public suspendu.
Mais au cœur de cette nuit puissante, c’est bien la constance de Hamid El Kasri qui donne le ton. Inamovible et généreux, il est le fil d’or qui relie toutes ces vibrations. Gardien d’un patrimoine qu’il ne cesse de réinventer, il prouve, concert après concert, que l’héritage vit pleinement lorsqu’il est partagé.