Le Maroc, à l’instar de nombreuses nations, se trouve à la croisée des chemins entre tradition juridique et modernité technologique. L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans le système judiciaire marocain suscite à la fois espoirs et interrogations, notamment en matière d’éthique, de transparence et d’efficacité.
Depuis plusieurs années, le Royaume Chérifien s’engage résolument dans la modernisation de son appareil judiciaire. La digitalisation des services, la mise en place de plateformes en ligne pour le dépôt de dossiers ou la consultation des décisions de justice, ainsi que l’utilisation de l’IA pour l’analyse prédictive, sont autant d’initiatives visant à améliorer l’accès à la justice et à réduire les délais de traitement des affaires.
Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a récemment annoncé l’acquisition d’un logiciel d’IA, similaire à ChatGPT, destiné à assister les juges dans leurs recherches juridiques et la rédaction de décisions. Cette initiative s’inscrit dans une volonté plus large de faire du Maroc un leader africain en matière de justice numérique.
Cependant, l’introduction de l’IA dans le système judiciaire n’est pas sans soulever des préoccupations. Des experts réunis lors d’un colloque à Rabat ont souligné les risques liés aux biais algorithmiques, à la protection des données personnelles et à la transparence des décisions rendues avec l’aide de l’IA. La question de l’indépendance du juge face à des recommandations générées par des algorithmes demeure également centrale.
Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) a d’ailleurs récemment organisé plusieurs rencontres pour discuter de l’impact de l’IA sur le rôle du magistrat et les garanties nécessaires pour préserver l’équité et l’impartialité des décisions de justice.
Au-delà de ses frontières, le Maroc participe activement à l’élaboration d’une stratégie continentale sur l’intelligence artificielle. La Commission de l’Union africaine a adopté un cadre conceptuel visant à renforcer les capacités des États membres en matière d’IA, avec un plan quinquennal de mise en œuvre prévu entre 2025 et 2030. Le Maroc, fort de son expérience, pourrait jouer un rôle moteur dans cette dynamique, en partageant ses bonnes pratiques et en soutenant les initiatives régionales.
Vers une justice augmentée ?
L’intégration de l’IA dans le système judiciaire marocain offre des perspectives prometteuses : réduction des délais de traitement, amélioration de la qualité des décisions, meilleure accessibilité pour les citoyens. Néanmoins, ces avancées doivent s’accompagner d’un encadrement rigoureux, garantissant le respect des droits fondamentaux et la transparence des processus.
Le Maroc se trouve ainsi à un tournant décisif, où il lui appartient de concilier innovation technologique et principes juridiques, pour construire une justice à la fois moderne, équitable et humaine.