Perchée sur son éperon rocheux au-dessus de l’Oum Errabia, la kasbah de Boulaouane veille toujours sur la vallée, silhouette crénelée figée dans le temps. Édifiée en 1710 par le sultan Moulay Ismaïl, elle fait partie de ces forteresses qui rappellent la volonté d’unifier et de contrôler le territoire. Mais si sa légende est intacte, ses murs, eux, attendent depuis trop longtemps la réhabilitation promise.
Classée patrimoine national depuis 1924, la kasbah devait bénéficier d’un projet ambitieux de restauration annoncé en 2019. Six ans plus tard, aucune grande intervention n’a encore redonné vigueur aux murailles ni restauré les espaces intérieurs. Les visiteurs continuent de déambuler entre pierres érodées et bâtiments effondrés, imaginant plus qu’ils ne voient la splendeur passée. Les raisons de ce retard restent floues, entre lenteurs administratives et arbitrages budgétaires.

Seule avancée visible aujourd’hui : la route qui mène jusqu’au site. Longtemps décrite comme impraticable à certains endroits, elle fait l’objet de travaux d’aménagement. Le revêtement progresse, promettant bientôt un accès plus confortable aux curieux comme aux touristes. Dans cette région où les déplacements sont un frein, cette amélioration pourrait devenir le premier vrai pas vers un nouvel essor touristique. A leur tour, les bordures de la route ont été reboisés de jeunes pins.
Car Boulaouane ne se résume pas à sa kasbah. Le bourg et ses alentours offrent un panorama rural rare. Les méandres de l’Oum Errabia y dessinent des paysages saisissants : falaises abruptes, vergers en terrasse, champs de blé dorés. Les amateurs de nature peuvent y pratiquer randonnée, observation des oiseaux ou pêche. Les tazotas, étranges constructions de pierre sèche en forme de cône inversé, jalonnent encore la campagne, vestiges d’un savoir-faire agricole local.
La région recèle aussi un potentiel culturel. Entre la mémoire de la kasbah, les légendes de Lalla Halima et les récits littéraires inspirés par le lieu, Boulaouane pourrait devenir une étape incontournable d’un circuit Doukkala-Chaouia alliant histoire, nature et artisanat. Pour cela, il faudrait développer hébergements, signalétique, guides formés et surtout, redonner à la citadelle son allure d’antan.
En attendant, Boulaouane reste un joyau en sommeil. La réfection tarde, mais la route en travaux redonne un mince espoir : celui qu’un jour, l’histoire, la pierre et le paysage s’unissent pour offrir aux visiteurs l’expérience que mérite ce site.