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lundi 28 juillet 2025

L’Europe se barricade et le Maroc encaisse le choc migratoire

Le dernier rapport de l’Organisation internationale pour les migrations, publié en juillet 2025, met en lumière une évolution marquante des routes migratoires mondiales entre janvier et avril. Si les arrivées vers l’Europe reculent dans leur ensemble, le Maroc se retrouve au cœur d’un basculement profond. Sa situation entre Atlantique et Méditerranée, longtemps synonyme de passage, le projette désormais comme territoire d’ancrage pour des milliers de personnes en quête de stabilité.

L’étude de l’OIM, qui s’appuie sur les données croisées de ses pôles régionaux et de la Matrice de suivi des déplacements, adopte une lecture par itinéraires. Cette approche permet de suivre les migrations depuis leur point de départ jusqu’à leur destination, en passant par les zones de transit. Elle offre une vision plus précise et continue des flux humains, dans un contexte global devenu plus incertain.

Parmi les changements les plus marquants, l’agence observe un effondrement presque total des départs vers le nord en Amérique centrale, tandis que les routes vers l’Europe, notamment via le Maroc, évoluent dans un climat de plus grande vulnérabilité. Si les départs par la route atlantique, en direction des Canaries, ont chuté de 37 % sur un an, les décès recensés sur cette même voie ont bondi de 64 %. Les raisons sont multiples : embarcations de fortune, points de départ de plus en plus éloignés et dangereux, et un manque cruel de moyens de sauvetage en mer.

Le rapport insiste sur un paradoxe désormais bien installé. Alors que les contrôles frontaliers se sont renforcés, notamment grâce à une coopération accrue entre l’Europe et le Maghreb, les migrants sont plus nombreux à se retrouver bloqués dans les pays de transit, dans des conditions précaires et parfois dégradantes. Au Maroc, les opérations de déplacement forcé menées par les autorités vers des régions moins exposées du Sud créent de nouvelles fragilités.

L’agence des Nations Unies constate également une transformation des profils. Les migrants syriens, longtemps majoritaires, sont aujourd’hui moins présents sur les routes maritimes, en raison d’un contexte politique changé à Damas. En parallèle, les ressortissants du Bangladesh représentent désormais plus du tiers des arrivées en Italie, ce qui pourrait préfigurer une hausse des passages par le Maroc, impliquant des défis spécifiques en matière d’accueil et d’intégration.

Sur le terrain, les témoignages rappellent la dimension humaine de ces mouvements. À Rabat, Aïcha, 24 ans, originaire de Guinée, a pu bénéficier d’une assistance médicale grâce à l’OIM, après avoir grandi avec une double pathologie sans prise en charge dans son pays d’origine. Elle fait partie des 36 000 migrants soutenus par l’organisation en 2024.

Dans ce contexte mouvant, le Maroc, à l’image de la Libye où près de 850 000 migrants sont aujourd’hui recensés, voit se renforcer les phénomènes de sédentarisation contrainte. Les politiques de dissuasion et les blocages aux frontières reconfigurent les parcours. Le Royaume doit faire face à une pression croissante sur ses capacités d’accueil et sur ses politiques sociales, alors même que les flux internes pourraient s’intensifier dans les mois à venir, notamment en raison de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations prévue en décembre.

Le document souligne enfin l’urgence de repenser les mécanismes d’intégration pour accompagner cette mutation. Plus qu’un territoire de passage, le Maroc devient un espace de vie pour des milliers de personnes qui, pour beaucoup, n’avaient pas prévu d’y rester. Une transformation qui redéfinit les responsabilités du pays, désormais placé au centre des équilibres migratoires régionaux.

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