Le Maroc s’impose discrètement mais sûrement comme un levier stratégique pour les entreprises indiennes à la conquête des marchés mondiaux. À la croisée des continents, avec des accords commerciaux privilégiés et une ambition industrielle affirmée, le Royaume se positionne désormais comme une plateforme de choix pour les géants économiques du sous-continent, notamment dans des secteurs de pointe comme la défense.
L’intérêt croissant de l’Inde pour le Maroc n’est pas fortuit. Le Royaume dispose d’une carte maîtresse : sa localisation géographique exceptionnelle, aux portes de l’Europe, de l’Afrique subsaharienne et de l’Amérique, combinée à un réseau d’accords de libre-échange avec l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Un atout décisif pour les entreprises indiennes cherchant à contourner les barrières logistiques et tarifaires, tout en s’ouvrant de nouveaux débouchés commerciaux.
Ce positionnement stratégique commence déjà à porter ses fruits. Le géant indien Tata Advanced Systems a franchi un cap symbolique en implantant sa première usine de défense hors du territoire indien au Maroc. Ce choix témoigne non seulement de la confiance accordée au Royaume, mais aussi de sa capacité à répondre aux standards internationaux en matière d’industrie militaire et de souveraineté technologique. En toile de fond, le Maroc trace les contours d’une véritable stratégie de montée en puissance dans le secteur de la défense, avec l’ambition de renforcer son autonomie industrielle. Un terrain d’opportunités évident pour l’Inde, qui dispose d’un savoir-faire reconnu dans la fabrication d’équipements, la technologie duale et la compétitivité industrielle.
Mais cette coopération ne s’arrête pas aux arsenaux. Depuis la visite historique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à New Delhi en 2015, les relations bilatérales ont franchi un nouveau palier. Le partenariat entre Rabat et New Delhi, désormais stratégique, englobe des domaines aussi variés que la cybersécurité, la sécurité maritime, la lutte contre le terrorisme ou encore l’exploration spatiale. Une feuille de route ambitieuse, à l’image de deux pays qui partagent une même vision : celle d’un développement autonome, solidaire et tourné vers l’avenir.
Sur le plan économique, cette dynamique se traduit par une progression spectaculaire des échanges commerciaux. De 1 à 1,2 milliard de dollars en 2015, le commerce bilatéral a bondi à 4,2 milliards en 2023. Une évolution d’autant plus notable qu’elle s’est opérée malgré la distance géographique et l’absence de langue commune. Les flux englobent des produits stratégiques comme les engrais, les phosphates, les composants automobiles, les équipements électriques ou encore les pneumatiques. En parallèle, les investissements indiens sur le sol marocain se multiplient, avec un nombre d’entreprises locales ayant plus que triplé en dix ans. Aujourd’hui, plus de 46 sociétés indiennes opèrent directement au Maroc, et près de 200 autres y sont actives de manière indirecte.
Le secteur automobile illustre parfaitement cette transformation. En quelques années, le Maroc est passé du statut de marché marginal à celui de premier exportateur de véhicules en Afrique. Cette success-story repose en partie sur les partenariats avec des équipementiers indiens comme IM Gear, mais aussi sur une stratégie volontariste qui combine infrastructures modernes, formation locale et taux d’intégration industrielle élevé. Aujourd’hui, le Royaume produit plus de 700.000 véhicules par an, avec l’objectif d’atteindre un million prochainement. Cette dynamique s’accompagne d’innovations majeures, comme le développement d’un véhicule à hydrogène utilisant un système de capsules rechargeables, une alternative prometteuse face aux défis liés aux stations de recharge traditionnelles.
L’essor industriel du Maroc ne serait toutefois pas complet sans ses infrastructures logistiques. Ports modernisés, zones industrielles spécialisées, connectivité accrue : le pays a investi massivement pour devenir un hub régional. Ces installations soutiennent non seulement l’automobile, mais aussi les secteurs de l’énergie, de la pêche, des mines et du commerce international. Une base solide pour accueillir des partenariats technologiques de plus en plus complexes.
Le domaine des énergies renouvelables constitue lui aussi un terrain de coopération fécond entre le Maroc et l’Inde. Tous deux membres de l’Alliance solaire internationale, les deux pays partagent des ambitions communes pour accompagner la transition énergétique du continent africain. Le transfert de technologies, l’industrialisation verte et la création de chaînes de valeur locales sont autant de leviers activés pour accompagner un développement durable, à la fois local et panafricain.
Mais au-delà de l’économie, une autre dimension renforce le lien entre les deux nations : la culture. En célébrant, entre autres, le centenaire du cinéma indien ou en rendant hommage à des icônes telles qu’Amitabh Bachchan ou Shah Rukh Khan, le Maroc a exprimé une affection sincère pour la richesse artistique de l’Inde. Une complicité populaire et humaine, qui nourrit une compréhension mutuelle précieuse dans un monde en quête de repères.
