Chaque grande ville a ses légendes urbaines. A New York, ce sont les alligators dans les égouts. A Casablanca c’est le métro que l’on nous promet depuis des décennies ! Il y’a donc des choses que les casaouis attendront peut être toute leur vie: la fin des embouteillages, un taxi qui ne refuse pas une course, et bien sûr ce fameux métro ! Pendant ce temps, la capitale économique du Royaume, métropole dynamique de plus de cinq millions d’habitants et 3ème plus grande ville d’Afrique, continue toujours autant à souffrir (et à faire souffrir!) de sa mobilité urbaine. Parmi les solutions envisagées pour décongestionner le trafic et améliorer les déplacements, le projet de métro a souvent été au centre des discussions. Cependant, malgré les études et les plans élaborés, la ville ne semble toujours pas décidée à se doter d’un tel système de transport. Mais pourquoi donc Casablanca n’a-t-elle pas de métro ?
Un projet ambitieux et important, mais dont on juge les coûts « trop prohibitifs »
Un train peut certes en cacher un autre, mais un métro à Casablanca, on attend toujours le premier ! Pourtant, l’idée d’un métro à Casablanca remonte aux années 1970, avec même une sorte de formalisation du projet survenue dans les années 1980. Toutefois, ce projet avait été abandonné à plusieurs reprises en raison de « contraintes géographiques et financières ». En 2013, la ville a annoncé la construction d’une ligne de métro aérien de 15 kilomètres reliant le quartier Sidi Moumen au boulevard de la Corniche, près de la mosquée Hassan II. Le coût estimé du projet s’élevait à neuf milliards de dirhams (environ 800 millions d’euros). Cependant, en juin 2014, le conseil municipal a décidé d’abandonner ce projet en raison de son « coût jugé trop élevé » et des « difficultés techniques liées à sa réalisation ». Le métro de Casablanca a donc bel et bien existé, mais uniquement sur les présentations Powerpoint…
Ainsi donc, et face aux défis financiers et techniques du métro, les autorités de Casablanca ont préféré opter pour des solutions de transport en commun jugées « moins onéreuses » et « plus adaptées » à la configuration urbaine de la ville. Le tramway, inauguré en décembre 2012, a rencontré un succès notable, avec une première ligne de 31 kilomètres et 48 stations. En 2014, la ville a décidé de renforcer ce réseau en lançant des études pour une deuxième ligne de tramway, confiées à l’ingénieriste Systra. Parallèlement, le développement de lignes de bus à haut niveau de service (BHNS) a été envisagé pour compléter l’offre de transport en commun.
Des défis techniques et géographiques, conjugués à une rentabilité économique incertaine
La réalisation d’un métro, qu’il soit souterrain ou aérien, pose des défis techniques majeurs. Casablanca, située en bordure de l’Atlantique, présente une géologie complexe, avec un niveau élevé de la nappe phréatique et des sols parfois instables, rendant les travaux de creusement particulièrement difficiles et coûteux. De plus, la densité du tissu urbain et la présence d’infrastructures existantes compliquent davantage la planification et la construction d’un réseau de métro.
Pourtant, la configuration géologique et géographique de Casablanca est loin d’être un cas isolé. D’autres villes à travers le monde ont dû relever des défis similaires à ceux de Casablanca pour construire leur métro. À Tokyo et Istanbul, situées en zones sismiques, les ingénieurs ont conçu des infrastructures capables de résister aux secousses grâce à des technologies d’absorption des chocs et des structures flexibles. Mexico, bâtie sur un ancien lac, a dû faire face à des affaissements de terrain, tandis qu’Athènes a jonglé avec une nappe phréatique élevée et un sous-sol riche en vestiges archéologiques, nécessitant des fouilles préventives. Au Caire, les travaux ont exigé des techniques de drainage avancées pour contenir l’influence du Nil. Ces exemples prouvent que malgré des conditions difficiles, il est possible de bâtir un métro en adaptant les solutions d’ingénierie aux spécificités locales.
Au-delà des coûts de construction, l’exploitation d’un métro nécessite des investissements continus en maintenance et en gestion opérationnelle. Dans de nombreuses villes à travers le monde, les réseaux de métro ne sont pas rentables et dépendent de subventions publiques pour fonctionner. Pour Casablanca, la question de la rentabilité économique est cruciale, surtout dans un contexte où les ressources financières sont limitées et où d’autres priorités urbaines exigent des investissements significatifs.
Plutôt que de concentrer les efforts sur un seul mode de transport, les autorités de Casablanca ont adopté une approche multimodale pour répondre aux besoins de mobilité de la population. Cette stratégie inclut le développement du tramway, des BHNS, ainsi que l’amélioration des infrastructures routières et piétonnes. L’objectif est de créer un réseau de transport intégré, flexible et capable de s’adapter aux évolutions démographiques et urbaines de la ville.
Malgré l’abandon des projets précédents, l’idée d’un métro à Casablanca n’est pas totalement écartée. En 2019, lors d’une journée d’étude sur le Plan de déplacements urbains (PDU), la possibilité d’adopter un métro aérien suspendu a été remise sur la table par les experts du bureau de conseil Systra & Transitec. Cette option serait envisagée comme une solution plus capacitaire et nécessitant moins d’espace pour ses infrastructures. Toutefois, aucune décision concrète n’a été prise à ce jour, et le métro reste une perspective lointaine pour la métropole. On aurait pourtant espéré que le projet du métro de Casablanca soit sérieusement remis sur le tapis à la veille de l’organisation, dans la capitale économique, d’un événement aussi grandiose et important que la Coupe du Monde 2030 de football.
Pour le moment, on préfère penser que la question du métro reste toujours aussi présente dans les réflexions sur la mobilité urbaine. Ce qui est sûr c’est qu’elle pourrait, à terme, redevenir une option envisageable si les conditions le permettent et les constellations s’alignent. Croisons les doigts et prenons notre mal en patience…
Mohamed MOUNADI