À Marrakech, les plateformes numériques ont été au cœur d’une conférence internationale consacrée aux mutations qu’elles engendrent dans les modèles économiques et les régulations concurrentielles. Organisée par le Conseil de la Concurrence, la rencontre a réuni ce mercredi des décideurs, experts et acteurs du numérique autour des défis posés par la domination croissante des géants du digital.
Luz Maria de la Mora, directrice de la concurrence à la CNUCED, a salué les avancées réalisées par le Maroc en matière de régulation. Elle a notamment mis en avant la révision de la loi sur la concurrence en 2020, qui permet aujourd’hui d’encadrer plus efficacement les pratiques anticoncurrentielles sur les marchés numériques. Elle a souligné l’action proactive du Conseil de la concurrence depuis cette réforme, estimant que cette vigilance est indispensable face à des marchés aussi complexes qu’interconnectés.
Elle a également insisté sur la nécessité d’une coopération accrue entre autorités de régulation, institutions académiques, société civile et associations professionnelles, tout en appelant à un effort collectif au niveau continental. Selon elle, les démarches isolées restent insuffisantes pour encadrer des plateformes qui opèrent à l’échelle transnationale. Une réponse concertée entre pays africains s’impose, selon la responsable onusienne, pour garantir une régulation efficace et cohérente.
Dans le même esprit, Chakib Alj, président de la CGEM, a défendu une vision résolument tournée vers les opportunités offertes par le numérique. Il a encouragé les entreprises marocaines à investir dans la donnée client, à renforcer leur relation directe avec les consommateurs et à diversifier leurs canaux de distribution pour limiter les risques de dépendance. Il a également souligné l’importance de bâtir des marques fortes capables de se différencier par l’expérience.
Selon lui, le commerce en ligne progresse au Maroc de manière constante, avec des taux de croissance estimés à 30 % pour le e-commerce et 20 % pour les paiements numériques. Il a salué le rôle du Conseil de la concurrence dans la régulation du marché, en particulier pour prévenir les abus de position dominante et garantir un environnement économique équitable, en particulier pour les TPME.
Prenant également la parole, Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, a rappelé que les plateformes numériques redessinent les chaînes de valeur mondiales et interrogent les modèles actuels de souveraineté, de régulation et de concurrence. Elle a défendu une approche fondée sur quatre piliers : des infrastructures solides, une gouvernance efficace, une innovation active et une inclusion numérique élargie.
Elle a annoncé la mise en place prochaine d’une loi sur les services digitaux, ainsi qu’une feuille de route nationale sur l’intelligence artificielle fondée sur une gouvernance responsable. Elle a aussi souligné que la cybersécurité devient un enjeu central, alors que plus de 12,6 millions de cyberattaques ont été recensées en 2024. Le Royaume entend y répondre par une stratégie de souveraineté numérique, illustrée notamment par la feuille de route du cloud 2025–2030 et le méga data center de Dakhla.
Réunissant institutions nationales, organisations internationales, experts et acteurs économiques, la conférence a permis d’échanger sur les bonnes pratiques et d’ouvrir des perspectives vers une gouvernance numérique éthique, inclusive et centrée sur l’humain, au service des citoyens comme des entreprises.
