Tanger Med est un modèle de réussite. En quelques années, le Maroc a construit un complexe portuaire qui s’impose comme un véritable moteur de l’économie nationale et un hub logistique incontournable sur la route du commerce international. Avec des performances qui dépassent chaque année les attentes, le port affiche une dynamique impressionnante et prouve que le Maroc a su anticiper les mutations du commerce maritime global.
Mais le succès a un prix : Tanger Med tourne aujourd’hui à plein régime, voire au-delà de ses capacités initialement prévues. En 2024, il a traité plus de 10,2 millions de conteneurs, dépassant ainsi sa capacité nominale de 9 millions d’EVP. Cette progression de 18,8 % par rapport à 2023 témoigne d’une attractivité grandissante et d’une efficacité opérationnelle exceptionnelle. Mais elle souligne aussi un défi majeur : comment continuer à croître sans risquer l’engorgement ?
L’ambition du Maroc a toujours été tournée vers l’avenir. L’heure est donc venue de préparer la prochaine étape de cette ascension : Tanger Med 3.
Tanger Med n’est pas un port comme les autres. Il s’agit d’un hub logistique d’envergure mondiale, où transitent des millions de tonnes de marchandises destinées aux quatre coins du globe. En 2024, le complexe a manutentionné 142 millions de tonnes, une augmentation de 16,2 % en un an. Cette performance remarquable confirme le positionnement stratégique du Maroc, mais elle pose aussi une question fondamentale : combien de temps encore le port pourra-t-il absorber cette croissance sans compromettre sa fluidité ?
Les prévisions indiquent qu’à l’horizon 2028, Tanger Med atteindra un niveau de saturation qui témoigne de son attractivité et de sa croissance. Pour accompagner cette dynamique et garantir la fluidité qui fait la force du port, il est essentiel d’anticiper l’avenir en développant de nouvelles infrastructures adaptées aux exigences du commerce maritime mondial.
Tanger Med 2, avec son positionnement stratégique, a permis d’accueillir une part croissante du trafic international. Toutefois, son environnement naturel, bordé par une falaise à l’ouest, une ligne bathymétrique à l’est et l’oued Ghlala au sud, limite ses possibilités d’extension. C’est pourquoi la création de Tanger Med 3 s’inscrit comme une suite logique et nécessaire pour offrir au Maroc un levier supplémentaire dans la consolidation de son rôle de hub logistique d’envergure mondiale.
Cependant, construire un nouveau terminal ne se fait pas en un claquement de doigts. Les études, les financements et la mise en œuvre des infrastructures demandent plusieurs années. C’est pourquoi agir maintenant est essentiel pour éviter une congestion qui pourrait freiner l’essor du commerce maritime marocain.
Un port qui atteint ses limites, c’est un port qui voit son efficacité diminuer. Or, l’un des plus grands atouts de Tanger Med est justement sa fluidité, qui permet aux grandes compagnies maritimes d’optimiser leurs délais et de minimiser leurs coûts. Si ce facteur clé de compétitivité venait à manquer, les transporteurs pourraient être tentés d’explorer d’autres options, notamment en Europe ou au Moyen-Orient.
Mais l’expansion de Tanger Med ne concerne pas seulement le commerce maritime. C’est l’ensemble de l’économie marocaine qui en bénéficie. En renforçant sa position de plaque tournante du transport et de la logistique, le pays attire davantage d’investissements étrangers, dynamise ses exportations et soutient des secteurs stratégiques comme l’industrie, l’automobile et l’aéronautique.
L’agrandissement de Tanger Med doit également s’accompagner d’une évolution du rôle de la TMSA (Agence Spéciale Tanger Méditerranée). Jusqu’ici, l’agence a brillamment assuré la gestion portuaire, faisant du complexe un modèle d’efficacité. Mais l’avenir impose d’aller encore plus loin.
Dans un monde où les tensions géopolitiques peuvent impacter les routes commerciales, le Maroc a tout intérêt à renforcer sa souveraineté maritime. Les grands hubs mondiaux comme Singapour ou Rotterdam ne se contentent pas de gérer leurs infrastructures, ils possèdent leurs propres flottes. En devenant armateur, la TMSA pourrait sécuriser les flux logistiques, optimiser les liaisons maritimes et s’imposer comme un acteur incontournable du transport maritime.
Cela signifie moins de dépendance vis-à-vis des compagnies internationales, plus de flexibilité dans la gestion des routes commerciales et une autonomie accrue face aux aléas du marché. C’est un pari audacieux, mais qui renforcerait considérablement la puissance économique et logistique du Maroc.
Si Tanger Med 3 est une priorité, le port de Nador pourrait aussi jouer un rôle de complément stratégique dans le renforcement des capacités portuaires du pays. Situé sur la façade méditerranéenne, le port de Nador West Med est en développement et pourrait absorber une partie du trafic de conteneurs et d’hydrocarbures à l’avenir. Cependant, il ne peut pas, à lui seul, alléger la pression sur Tanger Med, dont l’infrastructure et la connectivité avec les routes maritimes mondiales restent inégalées. Nador West Med viendrait donc en renfort, mais dans une certaine proportion par rapport aux flux colossaux que Tanger Med traite déjà.
Tanger Med est déjà un succès. Tanger Med 3 en sera la suite logique. En lançant son expansion dès à présent, le Maroc envoie un signal fort : celui d’un pays qui anticipe, innove et construit son avenir avec ambition. Les choix faits aujourd’hui façonneront la position du pays dans le commerce maritime mondial pour les décennies à venir.
Mohamed MOUNADI