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mercredi 14 mai 2025

Langue amazighe au Maroc : de la transmission orale à la révolution digitale

Longtemps marginalisée, la langue amazighe s’impose aujourd’hui comme un pilier essentiel de l’identité marocaine, portée par une dynamique institutionnelle, technologique et citoyenne inédite. Ce basculement historique est rendu possible grâce à l’engagement stratégique de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM), qui agit comme le principal levier de cette transformation, en multipliant les initiatives en matière de recherche linguistique, de formation et d’innovation numérique.

Depuis l’adoption de la Constitution de 2011, qui reconnaît l’amazighe comme langue officielle aux côtés de l’arabe, le Maroc a posé les bases d’un nouveau contrat linguistique national. La promulgation de la loi organique 26-16 a permis de définir les modalités concrètes d’intégration de la langue dans l’espace public. En 2025, cette volonté s’est traduite par une enveloppe budgétaire de 200 millions de dirhams allouée par l’État pour renforcer l’usage de l’amazighe dans les institutions publiques.

Ce programme s’inscrit dans une stratégie globale d’un milliard de dirhams, couvrant les domaines de l’éducation, de l’administration, de la justice, de la culture et des médias audiovisuels. Dans cette optique, 2 373 agents amazighophones seront déployés dans les administrations à la fin de l’année 2025 afin de garantir une communication fluide et équitable avec tous les citoyens.

Fondé en 2001, l’IRCAM a pour mission de préserver, valoriser et diffuser la culture amazighe sous toutes ses formes. Au cœur de ses actions récentes, on trouve le développement de programmes de formation pour adultes, conçus selon une approche andragogique. Ces dispositifs s’adressent aux fonctionnaires, usagers des services publics, étudiants ou encore professionnels de terrain, dans une logique d’inclusion linguistique.

Pour soutenir cette ambition, l’IRCAM a lancé la plateforme MOOC – IRCAM, un outil d’enseignement en ligne qui permet d’apprendre l’amazighe à distance, gratuitement, et à son propre rythme. Cette plateforme constitue une réponse directe aux défis structurels, tels que le manque d’enseignants qualifiés ou les obstacles géographiques à l’accès à la formation.

Par ailleurs, des guides pédagogiques ont été conçus pour accompagner l’intégration de l’amazighe dans des institutions clés comme l’Institut Royal de l’Administration Territoriale (IRAT), l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC) ou encore l’Institut Supérieur d’Art Dramatique et d’Animation Culturelle (ISADAC).

Vers une généralisation dans l’éducation

Le ministère de l’Éducation nationale a fixé des objectifs clairs : atteindre 50 % des écoles primaires enseignant l’amazighe à l’horizon 2025-2026, et une généralisation totale d’ici 2029-2030. Pour cela, 600 enseignants spécialisés ont été recrutés durant l’année scolaire 2023-2024, et 2 000 enseignants polyvalents seront formés pour intégrer l’amazighe dans le cycle primaire.

Dans l’enseignement supérieur, les licences en Études amazighes se multiplient depuis 2007 dans les universités marocaines (Agadir, Fès, Oujda…). En 2023, un parcours national modèle dédié à l’éducation en amazighe a été lancé à l’École Normale Supérieure de Rabat et à l’École Supérieure d’Éducation et de Formation d’Oujda.

L’amazighe à l’ère du numérique

La révolution numérique joue un rôle déterminant dans la diffusion contemporaine de la langue. Grâce à des plateformes interactives, applications mobiles, manuels numériques et autres supports pédagogiques en ligne, l’amazighe entre dans le quotidien des Marocains, bien au-delà des bancs de l’école.

Parmi les projets innovants, on retrouve le coffret LikArt, lancé en 2024, combinant cartes éducatives, réalité augmentée et modèles 3D pour une immersion multilingue incluant le tamazight, l’arabe, le français et l’anglais. Cette initiative bénévole reflète l’ancrage croissant de la langue dans les usages technologiques et éducatifs.

Une langue vivante, plurielle et inclusive

L’IRCAM adopte une stratégie de promotion linguistique fondée sur la diversité dialectale. Ses publications couvrent les trois principales variantes de l’amazighe : tarifit, tamazight et tachelhit. L’ouvrage « Sawlat s tmazight », publié dans ces trois variantes, témoigne de cette volonté de valoriser la richesse linguistique du pays tout en œuvrant à une standardisation inclusive.

Aujourd’hui, l’amazighe ne se contente plus de survivre. Elle rayonne. Elle est enseignée, numérisée, institutionnalisée, médiatisée. Elle devient un outil de citoyenneté, d’égalité d’accès, de reconnaissance culturelle. La voie est tracée, mais le chemin reste exigeant : formation de formateurs, production de contenus, sensibilisation de l’opinion publique…

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