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mardi 7 octobre 2025

Transport via applications : un cadre juridique toujours absent

L’essor des technologies numériques a profondément transformé les modes de consommation, y compris dans le secteur du transport urbain. Au Maroc, cette mutation s’est traduite ces dernières années par l’émergence progressive de services de mise en relation entre chauffeurs et passagers via des plateformes numériques. Ces applications, largement utilisées dans de nombreuses grandes villes du Royaume, ont bouleversé les pratiques, modifié les attentes des usagers et reconfiguré les équilibres entre les différents modes de transport.

Pourtant, cette révolution dans les usages n’a pas encore trouvé d’équivalent sur le plan réglementaire. Le cadre juridique encadrant le transport routier des personnes, hérité d’une logique traditionnelle, n’intègre pas explicitement les spécificités liées à ces nouveaux outils. En clair, les services opérant via applications intelligentes n’ont aujourd’hui aucun statut légal clairement défini dans la législation en vigueur.

Ce vide juridique, mis en lumière à la suite d’informations relayées récemment par plusieurs médias, empêche toute délivrance formelle d’autorisation ou de licence pour ces acteurs numériques. Faute de disposition adaptée, ces opérateurs évoluent dans une zone d’incertitude, ni pleinement reconnus, ni explicitement interdits. Une situation qui crée de la confusion, aussi bien pour les professionnels du secteur que pour les utilisateurs et les pouvoirs publics.

Cette absence d’encadrement soulève plusieurs enjeux majeurs. D’abord, elle fragilise la concurrence entre les acteurs. Les opérateurs traditionnels, soumis à une réglementation stricte et à des charges encadrées, dénoncent souvent une distorsion du marché. De leur côté, les conducteurs affiliés à ces applications exercent leur activité sans statut clair, sans couverture sociale formelle, et sous la menace permanente d’une éventuelle interdiction.

Ensuite, cette situation pose un véritable défi pour la régulation de la mobilité urbaine. En effet, le champ d’action principal de ces services se situe dans le périmètre des villes, une compétence relevant d’une autre autorité administrative. Cette dualité de responsabilités entre administrations rend toute réforme complexe, nécessitant une coordination étroite entre les niveaux central et local de l’État.

Enfin, l’absence d’un cadre précis limite toute politique publique d’intégration de ces nouveaux services dans une stratégie globale de mobilité. Alors que les grandes métropoles marocaines font face à une pression croissante sur leurs infrastructures de transport, les plateformes numériques pourraient représenter un levier d’innovation et de complémentarité. À condition, toutefois, que leur fonctionnement soit reconnu, organisé et soumis à des règles transparentes.

Le débat sur la régulation de ces services n’est pas propre au Maroc. Partout dans le monde, l’irruption des plateformes technologiques a pris de court les législations en place. Mais plusieurs pays ont amorcé depuis plusieurs années des processus d’adaptation, mettant en place des cadres hybrides conciliant innovation, équité de marché, sécurité des usagers et droits des travailleurs.

Dans le contexte marocain, la question d’un encadrement juridique du transport via applications intelligentes semble désormais inévitable. Au croisement du droit, de la technologie, de l’économie urbaine et des attentes citoyennes, ce chantier nécessite une approche transversale et structurée. L’enjeu est d’éviter que la technologie ne devance trop longtemps la loi, et que l’absence de régulation n’ouvre la voie à des tensions sociales, économiques ou institutionnelles.

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L'invité du Nouvelliste Maroc

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