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Vivre et cultiver avec moins d’eau : le défi des paysans de Zagora

Le sol est dur, poussiéreux, fissuré par endroits. À l’entrée du village de Tamegroute, dans la région de Zagora, les palmiers peinent à verdir, et les anciens khettaras, ces canaux souterrains d’irrigation, ne charrient plus que des souvenirs. Ici, comme dans tout le Sud-Est du pays, la sécheresse n’est plus un aléa, mais un état durable auquel il faut s’adapter.

Abdelkader, agriculteur de 52 ans, montre ses cultures sur une parcelle qu’il a réduite de moitié. « Avant, on cultivait de la luzerne et du blé. Maintenant, je ne garde que les arbres qui peuvent survivre avec peu d’eau, comme le grenadier ou l’olivier. » Pour irriguer, il s’est équipé d’un système goutte-à-goutte financé en partie par une subvention étatique. Sans cela, dit-il, il aurait abandonné depuis longtemps.

Dans la région, cette mutation des cultures est devenue vitale. Les céréales, très gourmandes en eau, sont peu à peu remplacées par des espèces plus résistantes, adaptées aux sols arides. Le figuier de barbarie, autrefois considéré comme une culture marginale, gagne du terrain. Des coopératives locales ont même développé des ateliers de transformation pour en tirer des produits à valeur ajoutée.

Mais tout le monde ne s’en sort pas. À quelques kilomètres, Aïcha, veuve et mère de trois enfants, a dû vendre son bétail l’an dernier, faute de fourrage et d’eau. « Même les puits ont baissé. On ne tire plus qu’un filet. On fait la vaisselle avec l’eau du linge. » Dans son douar, plusieurs familles ont quitté les lieux pour rejoindre les villes proches, espérant y trouver un revenu plus stable.

À Zagora, le stress hydrique ne relève plus de la prévision mais d’un quotidien éprouvé. Dans la province, les ressources en eau proviennent presque exclusivement de nappes souterraines, en baisse constante depuis plusieurs années. Malgré quelques orages récents, les précipitations restent trop rares et trop brutales pour restaurer l’équilibre. Le niveau de l’oued Drâa est historiquement bas, les forages se multiplient, et certaines zones ne sont plus alimentées que par des camions-citernes. En juillet dernier, les autorités ont reconnu l’ampleur de la crise en présentant un plan d’action spécifique à la province. Mais sur le terrain, les agriculteurs constatent surtout l’épuisement progressif de leurs repères hydriques, contraints de revoir à la baisse leurs cultures, ou d’abandonner certaines terres. Un projet de dessalement est annoncé pour la région de Dakhla, mais les habitants du Sud-Est attendent encore des solutions locales.

Le ministère de l’Agriculture mise sur la sensibilisation. Des campagnes de formation sont menées auprès des petits agriculteurs pour leur apprendre à gérer l’irrigation, choisir des semences adaptées, ou intégrer les énergies renouvelables à leurs exploitations. Des aides financières sont allouées, mais leur accès reste complexe, notamment pour ceux qui ne maîtrisent ni l’arabe administratif, ni les démarches en ligne.

Dans les palmeraies en déclin, quelques jeunes tentent pourtant de relancer la production en y associant des pratiques nouvelles : compost, paillage, stockage d’eau, agroforesterie. « C’est un pari, confie Hicham, diplômé en agronomie revenu s’installer dans la vallée du Drâa. Mais si on ne change pas maintenant, nos enfants n’auront plus rien à cultiver. »

Là où l’eau se fait rare, l’agriculture se réinvente dans l’urgence. Une course contre le climat, menée avec peu de moyens mais une volonté persistante de tenir sur la terre.

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