Alors que le défi alimentaire mondial se double d’une pression croissante sur les terres agricoles, le Maroc trace sa voie en s’appuyant sur un outil désormais central dans les politiques de développement : la géomatique. À la croisée des technologies spatiales, de l’intelligence artificielle et de la planification territoriale, cette discipline s’impose comme un catalyseur de souveraineté alimentaire et de sécurité foncière.
Au Maroc, la transformation agricole portée par la stratégie Génération Green 2020–2030 repose sur des bases solides : une cartographie rigoureuse des vocations des sols, des modèles topographiques pour planifier l’irrigation, des relevés satellites pour suivre l’évolution des cultures, et des données cadastrales pour sécuriser les droits d’usage. Or, toutes ces dimensions dépendent d’un même socle : la donnée géospatiale.
L’agriculture intelligente ne peut se déployer sans un écosystème intégré de systèmes d’information géographique (SIG), de plateformes de données cohérentes, et d’interopérabilité entre les institutions publiques et les experts du terrain. Chaque hectare exploité, chaque point d’eau mobilisé, chaque axe logistique optimisé peut aujourd’hui être analysé et valorisé grâce à la géomatique.
Derrière cette montée en puissance technologique, c’est toute une profession qui se structure et s’industrialise. En 2024, les 1 239 membres de l’Ordre des ingénieurs géomètres-topographes (ONIGT), dont 702 exerçant dans le secteur privé, ont généré un chiffre d’affaires global de 3 milliards de dirhams. À cela s’ajoutent plus de 15 000 emplois directs, 30 000 emplois indirects et des investissements annuels qui dépassent les 100 millions de dirhams. Un impact économique majeur, qui illustre la place stratégique de cette ingénierie dans les grands chantiers du pays.
Car, il faut le dire, les géomètres topographes sont désormais présents sur tous les fronts : lotissements urbains, remembrements agricoles, grands projets d’infrastructures (LGV, ports, autoroutes, stades), villes nouvelles, parcs solaires et éoliens, et bien sûr, planification rurale dans le cadre de la politique agricole.
Dans un monde bouleversé par les crises climatiques, sanitaires et géopolitiques, l’accès à des données foncières fiables, dynamiques et partagées devient une condition sine qua non pour bâtir des politiques agricoles durables. Chaque donnée géographique est désormais un levier d’action. Pour planifier les périmètres irrigués, organiser les chaînes de distribution, préserver les sols ou anticiper les risques climatiques, la géomatique permet d’agir avec précision, efficacité et transparence.
Le Maroc, en se positionnant comme hub géospatial régional, trace ainsi une voie pour lui même, mais aussi pour l’Afrique. Une voie dans laquelle la technologie, encore une fois, s’impose comme un pilier de souveraineté.