Rachid Hachichi quitte la présidence de Sonatrach moins d’un an après sa nomination. L’annonce, faite dimanche par la télévision publique, ne s’accompagne d’aucune explication officielle. Il est remplacé par Noureddine Daoudi, ancien dirigeant de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft), qui prend ainsi la tête du plus grand groupe public algérien.
Ce changement soudain s’inscrit dans une série de remaniements qui, depuis plus de deux décennies, fragilisent la continuité à la tête de Sonatrach. Depuis 1999, cinq dirigeants se sont succédé à un rythme soutenu, sans que jamais les raisons précises de ces départs ne soient pleinement éclaircies. Cette instabilité chronique interroge la capacité de l’entreprise à garantir une stratégie cohérente dans un secteur aussi structurant pour l’économie du pays.
Le limogeage de Hachichi illustre aussi le mode de gouvernance d’Abdelmadjid Tebboune, qui concentre les décisions stratégiques dans un cercle restreint, sans rendre compte publiquement des choix opérés. Cette personnalisation du pouvoir se traduit par une gestion verticale des grandes entreprises publiques, où la loyauté au cercle politique prime souvent sur la compétence, et où les dirigeants deviennent interchangeables dès lors qu’ils ne satisfont plus les attentes implicites du sommet. Sonatrach, comme d’autres institutions majeures, semble ainsi pilotée au gré des équilibres politiques du moment, dans une logique de contrôle plus que de projection à long terme. Cette méthode, qui exclut tout débat public sur la stratégie industrielle, entretient une instabilité structurelle et compromet la lisibilité de l’action économique algérienne, y compris aux yeux des investisseurs internationaux.
Autre fait, la nomination de Daoudi intervient dans un climat marqué par des attentes économiques fortes, alors que le gouvernement cherche à relancer l’attractivité du secteur pétrolier et gazier, et à sécuriser les revenus énergétiques de l’État. Son passage à la tête de l’Alnaft, structure chargée de gérer les appels d’offres et les licences d’exploration, laisse penser que les autorités misent désormais sur une approche tournée vers l’investissement et la rationalisation des procédures.
Dans ce contexte, plusieurs observateurs évoquent en sourdine des tensions internes persistantes. Il est possible que des dossiers sensibles, non rendus publics, aient précipité le départ de Hachichi. Le nom de Ghar Djebilet, gisement stratégique de minerai de fer situé dans le sud-ouest du pays, a notamment circulé dans certains cercles comme élément d’arrière-plan. Mais à ce stade, aucune source fiable ne permet d’établir un lien entre ce dossier et le limogeage du PDG de Sonatrach. Le site de Ghar Djebilet est certes au cœur d’enjeux industriels et miniers de grande ampleur, mais rien ne permet de le relier à une quelconque affaire impliquant la direction du groupe pétro-gazier.
L’opacité qui entoure ces décisions n’est pas nouvelle. Dans les années précédentes, plusieurs dirigeants de Sonatrach avaient été écartés dans des circonstances tout aussi nébuleuses. Certains dans la foulée d’affaires judiciaires, d’autres sans justification officielle. Ce manque de transparence alimente un climat d’incertitude, y compris auprès des partenaires étrangers, qui peinent à suivre les orientations à long terme de l’entreprise.
Avec cette nouvelle nomination, les attentes sont élevées. Noureddine Daoudi, combien même il pourrait prétendre bien connaître les rouages du secteur, il hérite cependant d’un groupe exposé à de multiples pressions. Les défis à relever sont considérables : garantir la continuité des grands projets, sécuriser les contrats d’exportation, attirer de nouveaux investissements et restaurer une gouvernance durable. Pour Sonatrach comme pour l’État, il ne s’agira pas seulement de nommer un nouveau dirigeant, mais de stabiliser un pilier stratégique de l’économie nationale.
