Le Royaume du Maroc confirme son rôle stratégique dans l’industrie aéronautique et de défense en Afrique du Nord. Fort d’un partenariat croissant avec la Turquie, le pays voit l’installation de la filiale du géant turc Baykar, Atlas Defense, à Rabat. Cette implantation marque une étape significative dans l’ambition du Maroc de renforcer son écosystème industriel et technologique autour de Tanger, Casablanca et Rabat, mais laisse planer des interrogations sur la nature exacte des investissements à venir.
Atlas Defense : un acteur stratégique en devenir
Créée le 2 octobre 2024, Atlas Defense est inscrite au registre du commerce de Rabat sous le numéro 182219 R.C Rabat et dispose d’un capital de 2,5 millions de dirhams. Dirigée par les frères Lütfü Haluk Bayraktar et Selçuk Bayraktar, la société est spécialisée dans la fabrication de machines destinées à l’industrie aéronautique et de défense. Selon les premières indications, elle pourrait devenir un pilier de la présence de Baykar en Afrique, notamment en matière de drones militaires.
Cependant, aucune communication officielle n’a précisé pour l’heure les contours exacts du projet. Une question essentielle reste sur toutes les lèvres : le Maroc verra-t-il la création d’une usine de fabrication complète de drones, à l’instar de l’Ukraine ou de l’Azerbaïdjan, ou Atlas Defense se limitera-t-elle à un centre logistique et technologique de soutien ?
Des drones de dernière génération en service
Le Maroc, déjà utilisateur de drones Bayraktar TB2, aurait renforcé ses capacités militaires avec l’acquisition de vingt nouveaux appareils équipés d’antennes de communication par satellite. De nouvelles livraisons, dont les drones stratégiques Bayraktar Akıncı, seraient également prévues. Cette montée en puissance dans le domaine des technologies de défense témoigne d’une coopération militaire croissante entre Rabat et Ankara.
Les défis d’une production locale
L’installation d’une usine de fabrication de drones militaires représente toutefois un défi de taille. « La production de drones militaires implique des normes strictes en matière d’exportation, de certification et de conformité aux régulations internationales. Le cadre juridique marocain devra s’adapter pour soutenir cette industrie », souligne un expert interrogé par Barlamane.com.
Sur le plan industriel, bien que le Maroc bénéficie de la présence de géants comme Boeing, Airbus et Safran, l’assemblage de drones armés requiert des compétences et une infrastructure plus spécialisées. La formation d’une main-d’œuvre qualifiée et le développement d’une chaîne d’approvisionnement adaptée seront cruciaux pour réussir cette implantation.
Baykar : une stratégie internationale éprouvée
Baykar a déjà démontré sa capacité à s’adapter aux marchés locaux en créant des unités de production à l’étranger. En Ukraine, l’entreprise construit actuellement une usine de drones tandis qu’en Azerbaïdjan, elle collabore étroitement avec les forces armées locales. Cette stratégie repose sur un double objectif : rapprocher les capacités industrielles des clients et bénéficier des avantages économiques offerts par les pays hôtes.
Pour le Maroc, cette démarche pourrait se traduire par un renforcement de son rôle de hub technologique en Afrique du Nord. « Si le modèle ukrainien ou azéri est reproduit au Maroc, cela placerait le Royaume au cœur des nouvelles alliances industrielles en matière de défense sur le continent », analyse l’expert.
Une reconfiguration des alliances en Afrique du Nord
Le projet Atlas Defense s’inscrit dans une dynamique plus large où la Turquie cherche à s’imposer comme un acteur incontournable de la défense en Afrique, aux côtés de partenaires traditionnels comme les États-Unis, la France et la Russie. Pour Rabat, cet accord représente une opportunité stratégique de diversifier ses alliances tout en renforçant sa souveraineté technologique.
Néanmoins, la concrétisation de ce projet dépendra de plusieurs facteurs, notamment les négociations diplomatiques, les investissements en infrastructures et la capacité du pays à relever les défis industriels. En attendant, l’installation d’Atlas Defense à Rabat ouvre la voie à de nouvelles perspectives pour l’industrie aéronautique et militaire du Maroc.