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lundi 28 avril 2025

Crédit : quand le Maroc change de paradigme

Une réforme profonde est en marche dans l’écosystème financier marocain. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi relative aux Bureaux d’information sur le Crédit, le Royaume franchit un cap décisif dans la modernisation de son système d’évaluation de la solvabilité. L’objectif est clair : favoriser l’accès au financement, notamment pour les populations et les entreprises encore marginalisées par les circuits traditionnels du crédit.

Cette avancée législative s’inscrit dans la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière, portée conjointement par le Ministère de l’Économie et des Finances et Bank Al-Maghrib. En toile de fond, une volonté affirmée de bâtir un marché du crédit plus inclusif, mieux informé, et capable de s’adapter à l’évolution des usages.

Un cadre élargi pour des données plus riches

L’un des apports majeurs de ce nouveau dispositif réside dans l’élargissement du périmètre des sources d’information. Désormais, les Bureaux d’information sur le Crédit ne se limitent plus aux données issues des banques et institutions financières. Ils pourront aussi exploiter celles détenues par des opérateurs télécoms, des sociétés privées, des délégataires de services publics et toute entité disposant d’informations utiles à l’évaluation de la solvabilité d’un particulier ou d’une entreprise.

Cette ouverture à des données dites « alternatives » constitue un tournant stratégique. Elle permettra notamment de mieux évaluer les primo-demandeurs de crédit, en particulier les jeunes, les travailleurs indépendants ou encore les très petites entreprises qui ne disposent pas toujours d’un historique bancaire. Ces profils, souvent exclus du crédit classique, pourront ainsi voir leur capacité d’emprunt reconsidérée à la lumière d’autres indicateurs, comme leur régularité de paiement de factures télécoms ou de services publics.

Une nouvelle gouvernance du risque

Dans ce nouveau cadre, l’activité des Bureaux d’information sur le Crédit est désormais soumise à un agrément délivré par Bank Al-Maghrib, garantissant un encadrement strict de la collecte, du traitement et du partage des données. Ces informations pourront être mises à disposition des fournisseurs de données, dans un cadre contractuel défini, pour enrichir encore davantage la compréhension des comportements de paiement.

La mise en place de ce système vise à instaurer un cycle vertueux de gestion du risque. En réduisant l’asymétrie de l’information entre prêteurs et emprunteurs, elle permet une prise de décision plus rapide et plus juste. À terme, cette transparence accrue pourrait même entraîner une baisse des exigences en matière de garanties et de primes de risque.

Un écosystème en pleine mutation

Cette réforme n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation du marché du crédit. De nouveaux acteurs émergent : plateformes de crowdfunding, fintechs, fournisseurs de solutions de paiement numérique… Tous viennent enrichir l’offre et alimenter le système d’information financier avec des données inédites.

L’open banking, actuellement à l’étude au sein de Bank Al-Maghrib, pourrait renforcer cette dynamique. En autorisant le partage sécurisé des données bancaires entre différents acteurs agréés, cette approche favoriserait une meilleure interopérabilité des systèmes et ouvrirait la voie à une personnalisation accrue des services financiers.

Vers une inclusion élargie

Le nouveau cadre légal marque une avancée significative pour les ambitions marocaines en matière d’inclusion financière. En créant les conditions d’un crédit plus accessible, basé sur des données variées et représentatives, il contribue à intégrer des pans entiers de la population jusque-là écartés des circuits bancaires.

Cette réforme n’est pas qu’une évolution technique : elle reflète une vision, celle d’un écosystème financier plus ouvert, plus équitable, et capable d’accompagner les mutations économiques et sociales du pays. Un chantier ambitieux, porté par une coopération étroite entre institutions publiques, régulateurs et secteur privé. Et un signal fort envoyé aux marchés comme aux citoyens : au Maroc, le crédit de demain sera plus intelligent, plus rapide… et plus humain.

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