La gestion sous mandat connaît au Maroc une montée en puissance discrète mais significative, à mesure que les besoins des investisseurs s’affinent et que les mécanismes d’allocation d’actifs se sophistiquent. Dans un environnement où l’encadrement réglementaire reste encore à formaliser, l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux a pris l’initiative d’établir un guide de référence. Ce document, bien qu’il ne soit pas juridiquement contraignant, fixe des standards élevés, tant pour les professionnels que pour les particuliers. Il propose une grille de lecture complète sur une activité encore peu connue du grand public, mais appelée à jouer un rôle croissant dans la structuration de l’épargne.
La gestion sous mandat repose sur un principe simple : déléguer à un professionnel l’intégralité de la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers. À la différence de la gestion collective, qui regroupe les avoirs de plusieurs clients au sein de véhicules communs, elle s’appuie sur une approche individualisée. Le gestionnaire agit pour le compte exclusif de son client, en fonction d’objectifs et de contraintes propres. Ce cadre se distingue également de la gestion conseillée, dans laquelle le client conserve la décision finale. Ici, l’arbitrage et l’exécution sont entièrement pris en charge par le gestionnaire, dans les limites préalablement définies.
L’intérêt de cette approche réside dans sa capacité à s’adapter à des profils très variés. Qu’il s’agisse d’un investisseur institutionnel ou d’un particulier, la gestion sous mandat offre une réponse sur mesure. Elle permet de définir une stratégie ciblée, de fixer des limites d’exposition spécifiques, de moduler les classes d’actifs en fonction du niveau de risque accepté. Cette souplesse a un prix. Les frais sont généralement plus élevés que ceux appliqués dans les structures collectives, et le service n’est accessible qu’à partir d’un certain niveau de patrimoine. Mais elle offre en contrepartie une transparence accrue, une information régulière, et surtout une grande latitude dans la conduite de la stratégie.
Le cœur du dispositif repose sur un document unique, le mandat de gestion. C’est à travers ce contrat que l’investisseur confère au professionnel l’autorité d’agir en son nom. Le mandat précise la nature des actifs concernés, les objectifs de rendement, les contraintes sectorielles ou géographiques, les exclusions éventuelles. Il formalise aussi les modalités de rémunération, la fréquence du reporting, la durée de la délégation et ses conditions de résiliation. L’AMMC recommande que ce mandat soit aussi complet que possible, afin d’éviter toute zone d’ombre et de garantir une exécution fidèle aux attentes du client.
Certaines mentions sont jugées essentielles. Le mandat doit préciser les comptes concernés, le montant initialement investi, les pouvoirs exacts du gestionnaire, le niveau de tolérance au risque, les éventuels plafonds de perte acceptables. Il doit aussi intégrer une politique d’investissement claire, l’énumération des instruments autorisés, et des clauses de protection en cas de variation brutale des marchés. Toute opération effectuée en dehors du cadre convenu nécessite l’accord écrit du client. La transparence est également de mise dans le détail des frais, la communication des performances, et la transmission de toute information susceptible d’affecter la stratégie.
Pour exercer cette activité, les exigences sont nombreuses. Le gestionnaire doit démontrer qu’il dispose de moyens humains qualifiés, d’une infrastructure technique adaptée, et de procédures internes rigoureuses. Il lui revient de recruter des profils expérimentés, intègres, capables de piloter des portefeuilles avec discipline. Il doit aussi nommer un responsable du contrôle interne, garant de la conformité réglementaire et du respect des mandats signés. Une vérification de l’honorabilité du personnel est préconisée, tout comme une séparation claire des fonctions pour éviter tout conflit d’intérêt.
Les moyens matériels doivent permettre un suivi en temps réel des marchés, une consultation permanente des portefeuilles gérés, une traçabilité intégrale des opérations effectuées. La confidentialité des données clients doit être assurée, tout comme l’archivage sécurisé des documents contractuels. Les locaux du gestionnaire doivent garantir l’autonomie de l’activité, sans interférence possible. Le recours à un outil informatique dédié est fortement recommandé, notamment pour centraliser la gestion, la valorisation, l’historique des ordres, et le suivi des performances.
La dimension éthique occupe une place centrale dans les recommandations de l’AMMC. Le gestionnaire agit exclusivement dans l’intérêt du client. Toute opération doit avoir une justification économique claire. L’utilisation des actifs du client à d’autres fins, même temporairement, est strictement prohibée. Le professionnel ne peut recevoir ni fonds ni titres directement. Les clients doivent passer par leurs teneurs de comptes. Les arbitrages entre portefeuilles ne peuvent intervenir que s’ils bénéficient équitablement aux deux parties concernées.
La sélection des intermédiaires de marché repose sur le principe de la meilleure exécution. Le gestionnaire doit toujours rechercher les conditions les plus favorables, sans considération de commissions ou d’appartenance à un groupe. Toute rétrocession de frais doit être communiquée au client et, si elle est en numéraire, restituée. Les garanties de performance, lorsqu’elles existent, doivent s’appuyer sur des établissements spécialisés. Leur contenu, leurs limites, et leurs frais doivent être présentés en toute transparence.
L’information du client est une obligation permanente. Un reporting trimestriel au minimum est exigé, comprenant la valorisation des actifs, le détail des opérations, une analyse de la performance et l’évolution du marché. En cas de perte supérieure au seuil convenu ou de déviation de la stratégie, une notification immédiate doit être faite. Le mandat doit aussi mentionner les coordonnées d’un contact dédié, les canaux d’échange, et les modalités de communication.
Avant toute signature, le gestionnaire est tenu de procéder à une connaissance approfondie de son client. Il doit recueillir des informations précises sur sa situation financière, ses objectifs, ses contraintes, son niveau de compréhension des produits financiers. Des entretiens, des questionnaires, des documents justificatifs sont requis. Le profil de risque est défini en concertation avec le client, parmi des propositions claires, reflétant des stratégies distinctes. Tout refus de communiquer les éléments demandés doit entraîner le refus de la relation.
Le client, de son côté, a aussi des responsabilités. Il doit s’assurer de la compétence du gestionnaire, vérifier que le mandat proposé est conforme aux recommandations, poser les bonnes questions sur les conflits d’intérêts potentiels, les garanties, les frais. Il doit exprimer clairement ses attentes, ses limites, et les retranscrire dans le mandat. Une fois la relation engagée, il doit informer le gestionnaire de tout changement de situation, éviter les retraits inopinés susceptibles de nuire à la stratégie, et privilégier une utilisation exclusive des comptes gérés au mandat.
