Le Maroc avance à petits pas sur le terrain prometteur de la fintech. Malgré un potentiel certain et un engouement manifeste des jeunes générations pour l’entrepreneuriat numérique, l’écosystème peine encore à atteindre la maturité observée dans d’autres pays africains, pourtant confrontés aux mêmes défis de bancarisation, d’inclusion financière et de digitalisation des services.
Aujourd’hui, le Royaume ne représente qu’environ 2 % des quelque 2.500 fintechs recensées sur le continent africain. Un chiffre qui interroge, surtout au regard du niveau de développement de son secteur bancaire, l’un des plus avancés du continent, et de l’ambition clairement affichée de devenir un hub technologique régional. Le décalage entre le potentiel réel et la dynamique actuelle illustre un retard que le pays tente désormais de combler.
L’écosystème fintech marocain reste en phase d’éveil. Les jeunes pousses émergent, mais peinent à passer à l’échelle. Manque de financements adaptés, parcours réglementaire encore flou, lenteur des procédures d’agrément, rareté des talents en développement technologique et faible culture du risque chez les investisseurs traditionnels sont autant de freins qui limitent l’accélération du secteur.
Face à ces constats, des initiatives commencent néanmoins à se structurer. Depuis janvier, un centre dédié a vu le jour avec pour mission de fédérer les énergies, favoriser les synergies entre acteurs publics et privés, et renforcer l’accompagnement des start-up. Objectif : faire de la fintech un véritable levier de transformation de l’économie marocaine, notamment en matière d’inclusion financière. Car là où les agences bancaires ne peuvent aller, la technologie, elle, peut franchir les barrières géographiques, sociales et culturelles.
Le constat est connu : des millions de Marocains, notamment dans les zones rurales ou informelles, restent en marge du système bancaire classique. Les fintechs, par leur agilité et leur orientation client, peuvent offrir des solutions simples, accessibles, mobiles et adaptées à la réalité marocaine. Paiement mobile, transfert d’argent, microcrédit, assurance inclusive, épargne intelligente : les cas d’usage ne manquent pas. Encore faut-il les traduire en produits concrets, viables économiquement et soutenus par un cadre légal clair et incitatif.
Sur ce terrain, les signaux sont plutôt encourageants. Les régulateurs se montrent ouverts à la concertation et à l’innovation, les banques commencent à tisser des partenariats stratégiques avec des acteurs technologiques, et les jeunes entrepreneurs, plus nombreux qu’hier, osent se lancer. Le Gitex Africa, organisé récemment à Marrakech, a confirmé cet engouement, en rassemblant des centaines de porteurs de projets venus exposer leurs idées et s’inspirer des meilleures pratiques mondiales.
Mais l’élan reste fragile. Pour qu’il se transforme en véritable révolution financière, plusieurs leviers doivent être activés simultanément : formation des talents, éducation financière du grand public, financement ciblé des projets à fort impact, simplification réglementaire, et surtout, encouragement à l’expérimentation à travers des bacs à sable réglementaires adaptés.
Car la transformation ne viendra pas uniquement des grandes annonces, mais bien du terrain, de la capacité à prototyper, tester, itérer et convaincre. Cela implique aussi un changement de mentalité, tant chez les entrepreneurs que chez les décideurs. Oser l’innovation, accepter l’échec comme un apprentissage, et ne pas céder au découragement face aux lenteurs du système.
Le Maroc a les atouts pour jouer un rôle de premier plan dans la révolution fintech qui redessine aujourd’hui l’économie africaine. Mais pour cela, il devra sortir d’une posture d’observation prudente pour entrer dans une logique d’accélération assumée. Car dans cette course à l’innovation financière, le statu quo n’est plus une option.