Accueil Dossiers Spéciaux & Décryptages Justice au Maroc : faut-il continuer à remplir les prisons ?

Justice au Maroc : faut-il continuer à remplir les prisons ?

À l’heure où les prisons marocaines affichent un taux de remplissage alarmant, où la récidive ronge les espoirs de réinsertion, et où le modèle punitif classique atteint ses limites, une évidence s’impose : le Maroc doit instaurer, sans plus tarder, des peines alternatives crédibles, humaines et efficaces. Cette réforme n’est pas un luxe. C’est une nécessité.

Le constat est connu, mais il reste criant : la surpopulation carcérale est devenue structurelle. Trop de délits mineurs, comme le non-paiement d’amendes ou certaines infractions sans violence, conduisent encore à l’incarcération. Résultat : les prisons débordent, les conditions de détention se dégradent, et les chances de réinsertion s’amenuisent. Punir sans perspective, c’est enfermer deux fois : physiquement, puis socialement.

Face à cette réalité, les peines alternatives offrent un nouveau souffle. Non pas en niant la sanction, mais en la réinventant : par des travaux d’intérêt général, une surveillance électronique, des programmes de désintoxication ou de formation. Autant de leviers pour sanctionner autrement, sans briser les parcours de vie.

Instaurer les peines alternatives, c’est aussi reconnaître que la justice ne se résume pas à priver de liberté. C’est comprendre que toute peine doit avoir un sens, un objectif : protéger la société, réparer le tort causé, et surtout prévenir la récidive. En permettant à une personne condamnée de contribuer à la société au lieu de l’absorber en détention, le système envoie un message fort : la responsabilité n’est pas incompatible avec la réintégration.

De nombreux pays ont fait ce choix, avec des résultats probants : taux de récidive en baisse, économies budgétaires, meilleures conditions carcérales pour les crimes graves. Le Maroc peut s’en inspirer tout en adaptant le modèle à ses spécificités sociales, culturelles et judiciaires.

Le monde évolue. Les mentalités aussi. Les droits humains, la dignité du détenu, l’efficacité de la sanction : autant de notions qui doivent guider toute réforme judiciaire. En intégrant les peines alternatives dans son arsenal juridique, le Maroc enverra un signal fort à sa jeunesse, à ses juges, à ses citoyens : celui d’une justice qui protège, mais qui croit aussi en la seconde chance.

C’est aussi une réponse économique. Incarcérer coûte cher. Former, encadrer, insérer revient souvent moins cher — et rapporte davantage à long terme, en évitant la récidive et en créant du lien social. C’est un investissement dans la société, bien plus qu’un simple choix juridique.

Le cadre est posé : la loi 43.22, qui entre en vigueur en août, trace les contours de cette révolution silencieuse. Elle exclut les cas graves, fixe des critères clairs, et pose les fondations d’un nouveau modèle. Mais pour réussir, cette réforme doit aller au-delà du texte : elle doit s’accompagner de moyens, de formation, de coopération avec les collectivités locales et les ONG, et surtout d’un changement de regard.

L’heure n’est plus à la théorie. Le Maroc a besoin de solutions concrètes, efficaces, humaines. Les peines alternatives ne sont pas une concession à la clémence : elles sont un choix de société, une réponse moderne à une justice en quête de sens. Le pays a les textes. Il a la volonté. Il est temps d’agir.

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