L’épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) qui frappe la France depuis la fin juin provoque une onde d’inquiétude bien au-delà des frontières européennes. Au Maroc, où une partie du cheptel bovin est importée de l’Hexagone, les éleveurs commencent à s’interroger. Si aucun cas n’a été signalé sur le territoire et qu’aucune restriction n’a, à ce jour, été annoncée par les autorités sanitaires, la menace reste bien présente.
La maladie, qui a déjà entraîné l’euthanasie de plus de 1.500 bêtes en Savoie et Haute-Savoie (France), se transmet par les piqûres d’insectes hématophages. Ni contagieuse pour l’homme, ni transmissible par la viande ou le lait, elle reste pourtant redoutable pour les troupeaux. En quelques jours, un foyer peut décimer une exploitation.
À quelques kilomètres de Bir Jdid, Tahar Chaoui observe l’évolution de la situation avec une appréhension à peine dissimulée. Il élève une cinquantaine de vaches laitières sur ses terres, dont plusieurs issues de souches françaises. « On n’est pas en zone rouge, mais ça peut aller très vite. Une vache contaminée, et c’est fini », lâche-t-il en caressant l’encolure d’une Montbéliarde fraîchement vêlée. Il n’a pas reçu de consignes particulières, mais suit l’information au jour le jour.
Comme lui, beaucoup d’éleveurs s’interrogent sur le niveau de préparation du pays. Les importations de bovins en provenance de France n’ont pas été suspendues, et les contrôles demeurent encore discrets. Pourtant, un seul animal porteur, ou même un matériel contaminé, pourrait suffire à introduire le virus.
« Ce qui me fait peur, c’est qu’on n’a pas d’insecticide, pas de moustiquaires, pas de solution si jamais ça arrive », poursuit Tahar. « En été, avec la chaleur, les moustiques sont partout. Et la maladie, elle, ne demande qu’à sauter de ferme en ferme. »
Le ministre marocain de tutelle n’a, pour l’instant, fait aucune déclaration publique sur ce nouveau foyer européen. Dans les régions d’élevage, les vétérinaires restent en alerte, mais sans dispositif spécial déployé pour l’instant. Certains appellent à la suspension provisoire des flux commerciaux avec les zones contaminées, d’autres à un renforcement immédiat de la surveillance entomologique et des pratiques de biosécurité.
En attendant, les éleveurs comme Abdellah vivent dans une forme de veille anxieuse. « Moi je ne dors pas tranquille. J’ai mis des années à construire mon élevage. Si on me dit demain que je dois tout tuer, je fais quoi ? Qui va me rembourser ? Qui va me dire que ça valait le coup ? » souffle-t-il, les yeux embués.
La DNC n’a pas franchi la Méditerranée, mais les conditions d’une circulation existent. La vigilance reste le seul rempart avant que le virus ne trouve un terrain d’atterrissage. Pour les petits éleveurs marocains, le risque n’est pas une abstraction : c’est une inquiétude quotidienne, sourde, mais tenace.
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