Alors que de nombreux pays peinent à stabiliser leurs dispositifs de transfert social, le Maroc avance à contre-courant. En quelques mois, il a mis sur pied un programme d’aide directe aux ménages qui suscite déjà un niveau de satisfaction comparable à certains des modèles les plus aboutis au monde. Une performance d’autant plus notable qu’elle repose sur un déploiement numérique massif, un ciblage unifié, et une volonté politique d’évaluer, ajuster, puis élargir.
Lancé dans le cadre du chantier de l’État social, le Programme d’aide sociale directe (PASD) a rapidement été soumis à un retour d’expérience grandeur nature. Une enquête conduite par l’Observatoire national du développement humain auprès des bénéficiaires révèle que 87,5 % des ménages interrogés se déclarent satisfaits de l’aide reçue. En comparaison, le Child Support Grant sud-africain atteint 90 % de satisfaction, le Bolsa Família brésilien frôle les 95 %, tandis que le programme mexicain Prospera et l’initiative indonésienne Keluarga Harapan plafonnent autour de 75 à 80 %.
Au-delà de la satisfaction brute, l’étude souligne l’impact concret du PASD sur le quotidien des bénéficiaires. Plus de neuf ménages sur dix estiment que leur sécurité alimentaire s’est améliorée. Quatre sur cinq rapportent un effet positif sur la scolarisation des enfants. Là encore, des chiffres en ligne avec ceux des meilleures pratiques internationales.
Mais c’est sur le plan institutionnel que le Maroc se démarque. Là où d’autres pays ont construit leurs programmes sociaux par strates successives, avec des systèmes d’éligibilité hétérogènes et des canaux de versement multiples, le PASD s’inscrit dans une logique de simplification et d’intégration. Il repose sur un ciblage unifié, appuyé par une base de données nationale, et des paiements digitalisés via une plateforme unique. Cette architecture, encore peu répandue à l’échelle du Sud global, fait du Maroc un laboratoire d’innovation publique dans le domaine social.
Pour autant, l’automatisation ne suffit pas. L’étude pointe un écart persistant sur l’accessibilité du dispositif. Seuls 5 % des bénéficiaires estiment que l’inscription est facile. La majorité a dû être accompagnée pour compléter les démarches en ligne. Ce constat, commun à nombre de pays engagés dans la dématérialisation de leurs aides, montre que l’enjeu ne se limite pas à la couverture ou au montant. Il tient à la capacité du système à être réellement approprié par celles et ceux qu’il vise.
Face à cette tension, l’ONDH préconise plusieurs ajustements : renforcement de l’accompagnement local, harmonisation du PASD avec les autres programmes existants, et création d’un cadre unifié pour une protection sociale intégrée. En creux, c’est toute la philosophie de l’État social marocain qui se dessine : viser la performance sans renoncer à la proximité, articuler numérique et humain, inscrire l’aide dans une logique de développement et non de simple compensation.
En comparant les résultats du PASD à ceux des programmes internationaux, l’étude confirme que le Maroc a franchi une étape décisive. Il ne s’agit plus seulement de distribuer mieux, mais de bâtir un modèle soutenable, lisible, et cohérent. Si des ajustements restent nécessaires, notamment en matière d’accessibilité, le socle est en place. Et il place déjà le pays parmi les références émergentes de la solidarité publique digitalisée.