L’intelligence artificielle est en train de transformer l’économie mondiale, la sécurité, la gouvernance et la société à la vitesse grand V. Le Maroc, à l’instar des grandes puissances technologiques, doit se positionner rapidement pour ne pas être simple spectateur de cette révolution. L’IA représente une opportunité sans précédent, mais aussi un risque si elle est uniquement développée et contrôlée par d’autres nations. Le pays doit donc s’engager dans la création d’une intelligence artificielle adaptée à ses réalités, pensée pour ses besoins et développée par ses propres talents.
L’IA est un moteur de croissance économique qui pourrait transformer des secteurs stratégiques tels que l’agriculture, la santé, l’éducation et les infrastructures. D’ici 2030, elle devrait générer des milliards de dollars au niveau mondial et booster la productivité dans plusieurs domaines. Si le Maroc veut tirer parti de ce potentiel, il doit investir dans la recherche, l’innovation et la formation pour développer ses propres solutions. Aujourd’hui, la grande majorité des données utilisées pour entraîner les modèles d’IA sont hébergées hors du pays, et le nombre d’experts marocains spécialisés dans ce domaine reste limité. Ne pas maîtriser cette technologie signifie dépendre d’outils externes et perdre le contrôle sur des décisions essentielles pour l’avenir.
Les risques liés à l’IA sont bien réels. La montée en puissance des algorithmes dans la désinformation, les cyberattaques et la manipulation électorale montre à quel point cette technologie peut être une arme à double tranchant. Des cybermenaces sophistiquées émergent et l’IA est de plus en plus exploitée à des fins malveillantes. Sans souveraineté numérique, le Maroc pourrait se retrouver vulnérable face à ces menaces, incapable de se défendre efficacement ou d’anticiper les nouveaux défis liés à la cybersécurité.
Le Maroc a entrepris plusieurs initiatives pour développer une intelligence artificielle (IA) adaptée à ses besoins et réalités. Parmi ces efforts, la création du Centre International d’Intelligence Artificielle du Maroc, affilié à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), vise à faire du pays un hub régional en matière d’IA, en consolidant diverses actions stratégiques, éducatives et industrielles.
L’Agence de Développement du Digital (ADD) s’est également engagée dans le développement d’un écosystème dédié à l’IA au Maroc, en favorisant la création de startups, de laboratoires de recherche et de fonds de financement spécialisés.
Des institutions académiques marocaines jouent un rôle clé dans la promotion de l’IA. Par exemple, l’École Nationale Supérieure d’Informatique et d’Analyse des Systèmes (ENSIAS) propose une filière spécialisée en Ingénierie Intelligence Artificielle (2IA), renforçant ainsi la formation de compétences locales dans ce domaine.
Malgré ces avancées, le Maroc fait face à des défis pour s’imposer sur la scène internationale de l’IA. Selon l’Indice 2024 de préparation à l’intelligence artificielle, le pays est classé 101ᵉ sur 188, avec des points forts en infrastructures de données, mais des lacunes en gouvernance et technologie.
Pour renforcer sa position, le Maroc prône une stratégie équilibrée, conciliant souveraineté et interopérabilité dans le développement de l’IA. Cette approche hybride vise à permettre au pays de contrôler ses infrastructures critiques et ses données sensibles tout en participant à un écosystème d’IA ouvert et sécurisé.
L’un des principaux obstacles au développement de l’IA reste l’accès aux infrastructures numériques et aux données locales. Le Maroc a fait des progrès significatifs dans la transformation digitale, mais l’exploitation des données nationales reste insuffisante pour créer des modèles performants adaptés aux spécificités du pays. Il est essentiel de mettre en place une stratégie nationale pour collecter, stocker et valoriser ces données afin de permettre le développement d’une IA souveraine et efficace.
Le Maroc doit également investir massivement dans la formation et la recherche pour structurer un écosystème national compétitif. Il ne s’agit pas seulement de former des ingénieurs en IA, mais aussi de développer des compétences dans l’éthique des algorithmes, la gouvernance des données et la cybersécurité. Une IA marocaine ne pourra voir le jour que si le pays mise sur l’éducation et l’innovation, en renforçant les synergies entre universités, entreprises et centres de recherche.
Pour ne pas rester dépendant des technologies étrangères, le Maroc doit agir dès maintenant. La création d’un fonds national pour l’IA, le développement de centres de recherche spécialisés et l’adoption d’une stratégie claire pour encadrer et promouvoir l’IA sont autant d’étapes essentielles pour assurer son indépendance numérique. Ce n’est pas seulement une question de compétitivité économique, mais un enjeu stratégique pour l’avenir du pays.
L’IA est déjà là. Soit le Maroc prend les devants en investissant dans son propre écosystème d’intelligence artificielle, soit il se retrouve à dépendre des décisions et des innovations d’autres nations. Le choix est doonc clair : maîtriser cette révolution technologique ou en subir les conséquences.