Une nouvelle étape vient d’être franchie dans l’évolution du marché marocain de la gestion d’actifs. La Caisse de Dépôt et de Gestion s’apprête à confier la gestion de 15 milliards de dirhams à des opérateurs externes. Cette annonce a été faite par Khalid Safir, directeur général du Groupe CDG, à l’occasion de la conférence annuelle de l’ASFIM, tenue à Rabat. Les appels d’offres seront lancés dans les prochaines semaines.
Ce choix stratégique intervient dans un contexte de réforme profonde du cadre réglementaire des OPCVM, portée par l’entrée en vigueur de la loi 03-25. Le texte marque un tournant pour l’ensemble du secteur, en introduisant de nouvelles classes d’actifs comme les fonds durables, les OPCVM participatifs, les ETF ou encore les fonds en devises.
Pour Tarik Senhaji, président de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux, les OPCVM jouent un rôle de plus en plus structurant dans le financement de l’économie. À fin septembre, ces véhicules d’investissement détenaient près de 40 % des bons du Trésor en circulation, finançaient jusqu’à 88 % des besoins du secteur des télécommunications et couvraient une large part des infrastructures stratégiques du pays. La nouvelle loi vise à renforcer la transparence du marché, à élargir l’offre de produits et à consolider la confiance des épargnants.
Mostafa Hassani, président de l’ASFIM, estime que la réforme répond à une nécessité de fond. Le cadre juridique, hérité de 1993, n’était plus en phase avec un marché dont la taille représente près de la moitié du PIB. Les sociétés de gestion pourront désormais proposer des solutions plus innovantes, mieux adaptées aux besoins actuels des investisseurs institutionnels et particuliers.
Le geste de la CDG n’est pas anodin. En ouvrant 15 milliards de dirhams à la gestion externalisée, le Groupe entend dynamiser un marché encore trop dépendant de la dette souveraine. À l’heure actuelle, 80 % des encours sont investis en bons du Trésor. L’objectif est de diversifier les placements et d’orienter davantage l’épargne nationale vers les secteurs productifs.
Pour Khalid Safir, l’épargne est devenue un enjeu de souveraineté. Il ne s’agit plus seulement de la collecter, mais de la sécuriser et de l’orienter vers les priorités du pays : infrastructures, transition énergétique, industrie, innovation. La réforme des OPCVM est pensée comme un levier de transformation au service de ces ambitions.
Ce repositionnement du marché des capitaux intervient dans une phase stratégique pour le Maroc. Le Royaume prépare les grandes échéances du nouveau modèle de développement et de la Coupe du monde 2030, tout en renforçant sa stabilité financière. Dans ce contexte, les autorités misent sur une gestion d’actifs plus profonde, plus ouverte et plus inclusive pour répondre aux besoins en fonds propres et en dette longue.
L’introduction de nouveaux produits, comme les ETF ou les fonds à règles allégées, pourrait améliorer la liquidité du marché et élargir la base d’investisseurs. Les fonds en devises, quant à eux, offriront des possibilités de diversification aux MRE et aux capitaux étrangers. Enfin, les outils de financement alternatifs (project bonds, fonds de dette, véhicules hybrides) sont appelés à jouer un rôle croissant dans le financement des projets structurants.
