Le marché immobilier marocain entre dans une phase de transformation majeure, stimulé par une demande en forte hausse et des investissements stratégiques. Après une année 2024 dynamique, la tendance s’intensifie avec une augmentation de 17 % de la demande et une offre qui se contracte de 20 %. Cette tension entraîne une hausse des prix, notamment dans les grandes métropoles comme Casablanca, Rabat, Marrakech et Tanger, qui concentrent l’essentiel de l’activité. Face à cette saturation, l’immobilier s’étend désormais vers les périphéries et les nouvelles zones urbaines, marquant un changement structurel du marché.
L’organisation de la Coupe du Monde 2030 constitue un puissant moteur de croissance. Avec une enveloppe de 50 milliards de dirhams dédiée à la modernisation des infrastructures, le Maroc se prépare à un afflux de visiteurs et d’investissements. La construction du futur stade de 115 000 places à Benslimane, ainsi que la rénovation des enceintes sportives de plusieurs villes, redessinent le paysage urbain et renforcent l’attractivité de l’immobilier. L’impact dépasse largement le secteur sportif : hôtels, transports, routes et services connaissent un essor qui stimule l’ensemble du marché. L’hôtellerie et la location courte durée enregistrent déjà une forte croissance, portées par la perspective d’un afflux de 1,5 million de visiteurs et des retombées touristiques estimées entre 2 et 3 milliards de dollars.
Mais cette expansion a un coût. La rareté du foncier dans les grandes villes pousse les promoteurs à investir dans de nouvelles zones, favorisant l’émergence de villes satellites et de pôles industriels. Des projets comme la ville verte de Zénata illustrent cette évolution, en proposant un urbanisme plus durable et mieux intégré aux infrastructures. Pourtant, cette diversification du marché soulève des défis majeurs. Si l’immobilier devient plus accessible en périphérie, il reste crucial d’assurer une bonne connectivité avec les centres urbains pour éviter la création de villes dortoirs.
Dans ce contexte, la question du pouvoir d’achat devient centrale. La flambée des prix et l’augmentation des coûts de construction compliquent l’accès au logement, en particulier pour les classes moyennes. Pour y remédier, le programme « Daam Sakane » a été lancé, offrant une subvention de 70 000 à 100 000 dirhams. En un an, 130 000 demandes ont été déposées et 35 000 ménages en ont bénéficié. Mais l’efficacité de ce dispositif dépendra de l’emplacement des logements concernés. Une offre trop éloignée des centres économiques risquerait de créer un déséquilibre, limitant l’impact positif de cette aide sur l’accession à la propriété.
Pour accompagner cette dynamique, les experts plaident en faveur d’un assouplissement des procédures d’investissement, d’une réforme de la fiscalité et d’un développement plus structuré du marché. Le recours aux partenariats public-privé pourrait accélérer la production de logements et garantir une urbanisation plus cohérente. L’objectif est clair : répondre à la demande sans aggraver les inégalités, tout en tirant parti des opportunités offertes par la Coupe du Monde.
Avec des investissements massifs, une demande soutenue et des projets d’envergure, le marché immobilier marocain s’apprête à franchir un nouveau cap. Mais cette croissance devra être maîtrisée pour éviter une spéculation excessive et garantir un développement équilibré. Les deux prochaines années seront décisives pour poser les bases d’une expansion durable et inclusive, dans un secteur qui n’a jamais été aussi prometteur.
Mohamed MOUNADI