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La DGI reprend la taxe d’habitation

Depuis le 12 juin, la gestion des taxes d’habitation et de services communaux revient à la DGI, qui vise un recouvrement plus moderne et efficace.

Le paysage fiscal local au Maroc connaît une transformation majeure. Depuis la publication au Bulletin officiel de la loi n°14-25, le 12 juin, la Direction générale des impôts devient seule compétente en matière de taxe d’habitation et de taxe de services communaux. Ce transfert, jusque-là assuré par la Trésorerie générale du Royaume, amorce une réforme de fond dans la gouvernance des ressources fiscales des collectivités locales.

Un délai de deux mois est prévu pour boucler la passation entre les deux administrations. Mais déjà, les contours d’un nouveau mode opératoire se dessinent. Ce changement, qui résulte d’une volonté politique affirmée, vise à rationaliser le recouvrement, améliorer la transparence et renforcer les performances des recettes locales.

L’adoption de cette loi s’est faite à un rythme inhabituellement soutenu. Depuis sa validation en Conseil de gouvernement jusqu’à sa promulgation, le processus législatif a suivi une trajectoire rapide, signe de l’urgence ressentie par l’Exécutif à revoir les mécanismes de gestion de ces deux taxes, longtemps jugées inefficaces et mal pilotées.

Pour la DGI, ce transfert ne constitue pas une nouveauté absolue, mais il inaugure une phase nouvelle dans sa stratégie de modernisation. En reprenant la main sur la taxe d’habitation et la TSC, elle entend appliquer les mêmes standards d’efficacité que ceux mis en place pour d’autres segments de l’impôt. Une réunion nationale avec les directeurs régionaux a permis d’élaborer les grandes lignes d’un plan d’action national : simplification des démarches, ciblage plus précis des contribuables, amélioration des services et montée en puissance des outils numériques.

Historiquement, l’un des handicaps majeurs de la fiscalité locale réside dans la difficulté à cerner de manière fiable la base imposable. Les bases de données étaient souvent lacunaires, les mécanismes de déclaration défaillants et les dispositifs de recouvrement peu incitatifs. Avec cette réforme, la DGI entend remédier à ces failles à travers une stratégie fondée sur la donnée et la technologie.

Un partenariat est en voie de finalisation avec le ministère de l’Intérieur pour permettre un croisement automatique des informations foncières et urbanistiques. La DGI aura ainsi un accès direct à la plateforme Rokhas, qui recense les permis de construire et les autorisations d’habiter. À cela s’ajoutera un échange systématique des données issues des contrats de bail ou d’occupation, sans autorisation préalable.

Ce dispositif permettra d’identifier toute construction ou modification susceptible d’impacter la base taxable, et ainsi élargir significativement l’assiette, aujourd’hui en grande partie sous-évaluée. En parallèle, un volet contentieux est également intégré à la réforme : la DGI se substitue désormais à la Trésorerie dans tous les litiges en cours. L’objectif est de centraliser les procédures et d’unifier les doctrines juridiques, pour une gestion plus lisible et plus cohérente.

Pour faire accepter cette transition, la DGI mise sur une communication soutenue. Capsules explicatives, fiches pratiques, communiqués réguliers et permanences numériques figurent au menu. L’objectif est de répondre aux nombreuses questions que ne manquera pas de susciter ce changement : nouveaux interlocuteurs, modalités de paiement, contestations, ou encore rectifications éventuelles des montants dus.

La Direction compte également renforcer ses dispositifs d’assistance. Les centres d’appel seront mobilisés et des agents spécialisés dans la fiscalité locale formés pour prendre en charge les demandes les plus spécifiques. Un appui digital sera mis en place en parallèle, notamment via des plateformes interactives pour déclarer, payer, mais aussi déposer des réclamations ou suivre l’état de son dossier en temps réel.

Cette réforme dépasse la simple redistribution de compétences entre administrations. Elle marque une inflexion majeure dans la manière dont l’État entend piloter la fiscalité des territoires. En intégrant totalement ces deux taxes dans le périmètre de la DGI, c’est l’ensemble de la chaîne de valeur qui est recentrée : identification des redevables, calcul, émission, recouvrement, contentieux et accompagnement.

L’État veut ainsi corriger les carences du système actuel, marqué par la dispersion des responsabilités et le faible rendement des taxes locales. Cette unification devrait permettre non seulement une augmentation des recettes, mais aussi une meilleure justice fiscale à l’échelle des communes.

À travers cette prise en main, la DGI ne fait pas que collecter : elle devient un acteur clé de la gouvernance locale. Et à l’heure où les collectivités cherchent à renforcer leur autonomie financière, cette réforme pourrait bien en constituer l’un des leviers les plus décisifs.

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