Un nouvel indice pour mesurer l’incertitude économique au Maroc vient d’être mis au point par le chercheur Oussama Houari, dans une étude publiée en octobre 2025 par Bank Al-Maghrib. Ce travail inédit comble une lacune importante dans l’analyse macroéconomique du Royaume : jusqu’ici, aucun indicateur local ne permettait de quantifier l’incertitude liée aux décisions de politique économique.
Construit à partir de plus de 350 000 articles issus de sept grands quotidiens marocains, en arabe et en français, l’indice repose sur une méthode d’analyse automatisée des textes, inspirée de celle développée par Baker, Bloom et Davis (2016). Il repère les occurrences simultanées de termes liés à l’économie, à la politique et à l’incertitude. L’objectif est de capter les périodes où les incertitudes perçues autour des choix économiques — budgétaires, monétaires ou fiscaux — deviennent particulièrement marquées.
Les résultats montrent que cet indice, baptisé EPU (Economic Policy Uncertainty), est fortement contre-cyclique. Il atteint des pics lors de crises économiques, de blocages politiques ou de phénomènes climatiques extrêmes, comme les sécheresses récentes. Plus intéressant encore, l’étude établit que cette incertitude affecte sensiblement l’activité économique au Maroc, en provoquant notamment une baisse de l’investissement, de la consommation et du PIB, ainsi qu’une hausse du chômage.
Trois canaux de transmission sont mis en évidence : l’attentisme des entreprises face aux investissements, l’épargne de précaution des ménages et un accès au crédit plus coûteux. Mais le cas marocain présente une spécificité notable : en période d’incertitude, les agents économiques préfèrent thésauriser en liquide plutôt que de déposer leur argent en banque. La demande de cash, notamment sous forme de grosses coupures, augmente significativement, révélant un comportement de repli face à un avenir jugé incertain.
Autre effet mesuré : la détérioration de la confiance des ménages. L’indice de confiance, publié par le Haut-Commissariat au Plan, chute dès que l’indice EPU grimpe, traduisant un pessimisme accru sur la situation économique future.
Enfin, l’étude montre que cet indice marocain est plus pertinent pour expliquer les variations de l’activité économique que les indicateurs internationaux comme le World Uncertainty Index. Il capte mieux les spécificités locales et les réactions des acteurs nationaux face aux événements internes ou externes.
En dotant le Maroc de ce nouvel outil, Oussama Houari ouvre la voie à une meilleure compréhension des dynamiques de l’incertitude économique. Un apport précieux pour les décideurs publics, les investisseurs et les chercheurs, dans un contexte où l’anticipation des chocs devient un enjeu central de pilotage économique.
