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Cécité : les ophtalmologistes réclament une autorisation encadrée de l’Avastin

Les ophtalmologistes réclament une autorisation encadrée de l’Avastin

Les ophtalmologistes marocains réclament un feu vert encadré pour l’Avastin, un traitement utilisé depuis plus de quinze ans contre certaines maladies graves de la rétine. Moins onéreux que ses alternatives, ce médicament n’est pourtant pas autorisé pour un usage ophtalmologique au Maroc, malgré une reconnaissance internationale de son efficacité et de sa sécurité.

Le Syndicat National des Ophtalmologistes Libéraux du Maroc (SNOLM), appuyé par la Société Marocaine d’Ophtalmologie et la Société Marocaine de Pathologie Vitreo-Rétinienne, presse les autorités sanitaires de mettre en place un cadre clair permettant son utilisation en injection intraoculaire. Pour les praticiens, l’enjeu est autant médical que social.

L’Avastin, de son nom scientifique bévacizumab, est un anti-VEGF employé à l’étranger dans le traitement de la DMLA, de la rétinopathie diabétique, des œdèmes maculaires ou encore des occlusions veineuses rétiniennes. Plus de 4 500 études scientifiques valident son usage dans ce champ, et des institutions comme l’OMS ou le NICE britannique l’ont intégré à leurs recommandations. Dans plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni, son administration est autorisée dans un cadre strict, généralement via des Recommandations Temporaires d’Utilisation.

Au Maroc, le médicament est homologué uniquement pour ses indications oncologiques. Son usage ophtalmologique reste donc juridiquement flou, exposant les médecins à l’insécurité et les patients à des traitements inaccessibles financièrement. Un flacon reconditionné d’Avastin revient à environ 300 dirhams, contre plus de 5 000 pour les médicaments concurrents disposant d’une AMM.

Les différences de coût sont telles que, pour nombre de patients à revenus modestes, notamment les personnes âgées et les diabétiques, l’Avastin représente la seule option réaliste pour ne pas perdre la vue. Le SNOLM insiste sur le fait qu’il ne s’agit ni d’une alternative expérimentale ni d’un contournement thérapeutique, mais bien d’une pratique médicale encadrée et éprouvée à l’échelle mondiale.

Réuni début octobre à Rabat lors des Journées d’Automne de l’Ophtalmologie, le SNOLM a présenté un mémorandum conjoint avec la SMO et la SMVR. Quatre propositions ont été soumises aux pouvoirs publics : une autorisation dérogatoire nationale pour l’usage ophtalmologique de l’Avastin, un encadrement strict du reconditionnement, son intégration au dispositif de remboursement de l’AMO, et une clarification du cadre juridique pour protéger les praticiens.

Le syndicat alerte sur les conséquences humaines, sociales et économiques de la cécité évitable. En facilitant l’accès à un traitement abordable, les autorités pourraient préserver l’autonomie de milliers de Marocains, soulager le budget de la santé publique et renforcer l’égalité territoriale en matière de soins spécialisés.

« Nous ne demandons rien d’autre que l’application d’un bon sens médical, d’une éthique partagée et d’une responsabilité collective », déclare la Dr Miriam Wafi, présidente du SNOLM. Pour les ophtalmologistes libéraux, permettre l’usage de l’Avastin dans des conditions sûres serait une décision à la fois juste, efficace et durable.

« L’heure n’est plus à l’attentisme »

Alors que les débats sur la santé publique s’intensifient, l’inaccessibilité persistante pour ce traitement qui est pourtant éprouvé. Conséquence : des milliers de patients au Maroc risquent de perdre la vue, non pas faute de solution médicale, mais en raison du coût exorbitant des traitements disponibles.

Un différentiel de coût, difficilement justifiable, qui place une grande partie de la population dans l’impossibilité d’accéder aux soins. Et ce, malgré les multiples démarches entreprises par les spécialistes du secteur, qui réclament depuis des années une autorisation encadrée de l’usage ophtalmologique de l’Avastin.

Jusqu’à présent, le ministère de la Santé n’a donné aucune suite favorable à ces appels. Une situation que les professionnels jugent incompréhensible, alors que des traitements moins coûteux et tout aussi efficaces pourraient éviter la cécité à des milliers de Marocains.

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