Le Conseil Supérieur des Oulémas a publié une nouvelle Fatwa majeure consacrée à la Zakat. Ce texte, rédigé selon les principes du rite malékite et approuvé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al-Mouminine, adapte en profondeur ce pilier de l’islam aux réalités économiques du Maroc contemporain.
Loin de se limiter aux formes classiques de richesse, cette Fatwa élargit le champ des biens concernés, précise les modalités de calcul, le moment d’exigibilité et les profils des bénéficiaires. Elle introduit surtout une lecture ancrée dans l’époque, intégrant agriculture moderne, industrie, commerce, revenus de services, propriété intellectuelle et professions libérales.
La Fatwa rappelle que la Zakat est une obligation religieuse à part entière, au même titre que la prière ou le jeûne. Elle vise à purifier les biens, à soutenir les plus fragiles et à renforcer les liens de solidarité au sein de la communauté. Elle ne se confond ni avec l’impôt ni avec une forme de générosité facultative. C’est un acte de foi doté d’une portée économique et sociale.
Son déclenchement repose sur deux conditions : que les biens atteignent le seuil imposable (nissab), et qu’ils soient détenus pendant une année lunaire complète (al-hawl).
Six catégories de biens désormais concernées
La nouveauté essentielle du texte réside dans la modernisation de l’assiette de la Zakat, élargie à six domaines principaux :
L’agriculture : toutes les productions destinées à la vente sont concernées. Le taux est fixé à 10 % pour les cultures irriguées naturellement, 5 % si elles nécessitent des frais d’irrigation. Le seuil est de 653 kg de récolte.
Les ressources naturelles : forêts, pêche et produits issus du milieu naturel sont taxés à 2,5 % dès lors que leur valeur atteint le nissab.
L’élevage : les troupeaux traditionnels restent soumis aux règles anciennes, mais la Fatwa intègre les élevages commerciaux, y compris la production de miel ou de volailles, sur la base de leur valeur nette.
Le commerce : stocks, biens marchands, devises ou actions sont imposés à 2,5 % après déduction des charges exigibles (dettes, salaires, impôts, loyers).
L’industrie : tous les secteurs industriels sont inclus, la Zakat portant sur les produits et les stocks nets.
Les services : c’est l’une des grandes évolutions du texte. La Fatwa intègre tous les revenus liés aux services : santé, éducation, télécommunications, énergie, banque, propriété intellectuelle, professions libérales. Après déduction du salaire minimum légal (3.266 dirhams), la Zakat s’applique au taux de 2,5 % sur le revenu net annuel.
La Fatwa recommande l’usage du nissab basé sur l’argent, soit environ 7.438 dirhams, au lieu de celui fondé sur l’or (≈ 68.000 dirhams), afin d’élargir le nombre de contributeurs et d’accroître l’impact social de la Zakat.
Elle pose également un principe de clarté : les frais professionnels nécessaires et le minimum vital doivent être déduits avant de calculer l’assiette imposable.
À titre d’exemple, un salarié percevant 10.000 dirhams par mois devra d’abord retrancher le minimum vital annuel (39.192 dirhams), puis appliquer le taux de 2,5 % sur le revenu net restant. Cela représenterait environ 2.020 dirhams de Zakat annuelle.
Le texte identifie les bénéficiaires légitimes parmi les huit catégories définies par le Coran, en adaptant leur mise en œuvre au contexte actuel. Les aides visent en priorité les plus démunis, les personnes endettées, les voyageurs en détresse ou encore les projets d’utilité publique.
Les proches à charge (parents, enfants mineurs, conjoint) ne peuvent bénéficier de la Zakat du donateur. Les biens personnels non générateurs de revenus ne sont pas concernés, sauf en cas de revente.
Ce texte, à la fois rigoureux et ouvert, établit une norme religieuse claire, adaptée à l’économie nationale. Il encadre la pratique de la Zakat dans un monde où les revenus sont de plus en plus immatériels, où les métiers sont variés, et où les écarts de richesse exigent de nouvelles réponses.
En plaçant la solidarité au cœur de la modernité économique, cette Fatwa renforce à la fois la cohésion sociale, la clarté fiscale et la responsabilité morale des croyants.
