Le Maroc a accordé, en 2024, pour plus de 32 milliards de dirhams d’avantages fiscaux, selon le rapport publié par la Direction générale des impôts. Derrière ce chiffre massif, un constat persistant : la politique fiscale du Royaume reste fortement marquée par les régimes dérogatoires, malgré une volonté affichée de recentrage.
Avec 32,15 milliards de dirhams de dépenses fiscales enregistrées cette même année, l’État renonce à une part significative de ses recettes potentielles. Ces dispositifs, intégrés au budget comme des “mesures de soutien indirectes”, consistent à accorder des exonérations, des réductions ou des taux préférentiels à certains secteurs ou contribuables. Objectif : encourager l’investissement, faciliter l’accès au logement, alléger la charge fiscale des ménages ou accompagner des activités jugées stratégiques.
La tendance est toutefois à la contraction. En 2023, ces avantages représentaient près de 37 milliards de dirhams. Un an plus tard, leur poids est ramené à 2,1 % du PIB, contre 2,5 % l’année précédente. Ce recul s’explique notamment par la suppression de 24 mesures dans le cadre de la réforme de la TVA, amorcée ces derniers mois.
Mais derrière cette baisse, la structure des dépenses fiscales reste inchangée. Les exonérations concentrent encore 73 % des montants, loin devant les réductions (18 %). La TVA demeure, de loin, l’impôt le plus concerné, avec plus de 16 milliards de dirhams d’allègements consentis en 2024. Loin d’un ajustement ciblé, le système conserve une logique d’incitation massive.
Trois secteurs concentrent à eux seuls près de 60 % de l’effort fiscal : la protection sociale (23 %), l’immobilier (17 %) et l’énergie, notamment l’électricité et le gaz (16 %). Des choix qui traduisent une orientation assumée vers la demande interne et la cohésion sociale, au détriment, parfois, de la sélectivité économique.
Le nombre total de dispositifs reste élevé : 268 au titre de l’année 2024, dont la grande majorité a été instaurée avant l’actuelle loi de finances. Malgré la rationalisation amorcée, le cadre général demeure inchangé. Et l’efficacité réelle de ces mesures pose toujours question. La Cour des comptes, comme plusieurs économistes, pointent l’absence d’évaluation rigoureuse et le manque de critères objectifs pour créer, prolonger ou supprimer ces dispositifs.
Le Maroc, qui se classe au 28e rang mondial en matière de transparence des dépenses fiscales selon l’indice de l’International Budget Partnership, reste confronté à un double défi : concilier ambition sociale et maîtrise budgétaire, tout en renforçant la lisibilité de sa politique fiscale.
Pour conclure, une petite définition des dépenses fiscales qui désignent les pertes de recettes que l’État accepte volontairement lorsqu’il accorde des exonérations, des réductions d’impôt, des taux préférentiels ou d’autres dispositions qui s’écartent du régime fiscal de référence. Ces mesures sont comptabilisées non pas comme une « dépense publique » classique mais comme un coût implicite en recettes.
