Niché sur les hauteurs de Tanger, à quelques encablures du centre-ville, le Royal Country Club n’est pas seulement un parcours de golf. Il est l’un des derniers témoins vivants de l’histoire diplomatique et sportive du Royaume, une institution centenaire au cœur de laquelle le Maroc entretient une tradition unique. Fondé en 1914, il est aujourd’hui reconnu comme le plus ancien golf du bassin méditerranéen et l’un des plus vieux du continent africain.
À l’origine, le club portait le nom de Diplomatic Country Club. À cette époque, Tanger est une ville à statut international, creuset d’influences et plaque tournante diplomatique entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. C’est dans ce contexte qu’un groupe d’expatriés britanniques initie la création d’un terrain de golf, sur les terres vallonnées qui surplombent la baie. Le projet voit le jour sous le règne du sultan Moulay Abdelaziz, avec l’ambition d’offrir un lieu de rencontre et de pratique à la communauté étrangère.
Le premier tracé est conçu dans la pure tradition britannique, au milieu de cyprès, de sapins et d’eucalyptus. Les architectes Cotton et Pennink posent les bases d’un parcours technique et exigeant, adapté au relief naturel. Dès 1916, le site est officiellement inauguré, marquant l’entrée du Maroc dans l’histoire du golf international. Avec ses 18 trous déployés sur plus de 60 hectares, le club devient rapidement un rendez-vous incontournable pour les amateurs éclairés.
Au fil des décennies, le parcours évolue. En 1939, l’architecte Charles Hugh Alison, célèbre pour ses contributions sur les parcours les plus prestigieux du monde, est sollicité pour retravailler neuf trous. Son intervention confère au club un cachet nouveau, tout en préservant l’esprit d’origine. Le tracé gagne en complexité, alternant fairways étroits et greens surélevés, toujours en harmonie avec la topographie boisée.
L’indépendance du Maroc en 1956 marque un tournant. Le club s’ouvre progressivement aux joueurs marocains et devient un symbole de continuité dans une époque de mutation. À la fin des années 1960, le roi Hassan II décide de soutenir son développement. Le golf, sport d’élite par excellence, devient aussi un levier d’image et de diplomatie sportive pour le pays. En 1974, une extension du parcours permet d’en augmenter la longueur, qui dépasse désormais les six kilomètres.
La dernière grande transformation remonte à l’an 2000. L’architecte suisse Peter Harradine est chargé d’une rénovation en profondeur. Son travail respecte la trame historique tout en modernisant les installations. Le nouveau tracé, long de 6 060 mètres pour un par 70, conjugue tradition et technicité. Il conserve le charme intemporel de ses origines tout en répondant aux exigences du golf contemporain.
En 2018, le Royal Country Club de Tanger est classé patrimoine national. Ce classement consacre son rôle bien au-delà du sport : le club est aussi un lieu de mémoire, témoin des liens tissés entre Tanger et le monde. Il incarne une certaine idée de l’élégance, du calme et de la régularité, en phase avec les codes du golf mais aussi avec l’âme de la ville.
Aujourd’hui encore, ses allées serpentent entre les arbres centenaires, dans une ambiance feutrée où le silence n’est troublé que par le contact des clubs et des balles. On y croise de jeunes talents marocains, des golfeurs venus d’Europe ou d’Amérique, des figures du monde économique ou diplomatique. Tous partagent le même respect pour ce lieu singulier, où le temps semble suspendu.
Plus qu’un parcours, le Royal Country Club de Tanger est une page vivante de l’histoire du Maroc. Et à l’heure où le pays affirme ses ambitions dans le sport, notamment à travers les grands événements internationaux, ce club reste une pierre angulaire du patrimoine golfique national.
