Garantir la stabilité monétaire constitue le cœur de la mission confiée à Bank Al-Maghrib. Sans jamais déroger à cet objectif central, inscrit dans son statut, la Banque centrale peut mobiliser ses instruments pour accompagner la croissance ou soutenir d’autres dynamiques économiques. Elle agit donc comme un régulateur attentif, veillant à l’équilibre général de l’économie marocaine, sans sacrifier la cohérence de sa stratégie.
La stabilité des prix ne se traduit pas par une inflation nulle. L’objectif est de maintenir les hausses de prix à un niveau modéré et stable dans le temps, de manière à préserver le pouvoir d’achat, renforcer la confiance des investisseurs et offrir une meilleure visibilité aux entreprises. Cette orientation permet à la politique monétaire de contribuer, de manière indirecte mais réelle, à la croissance, à l’emploi et au développement économique du pays.
Pour mesurer l’inflation, Bank Al-Maghrib s’appuie sur les chiffres fournis par le Haut-Commissariat au Plan. L’indice des prix à la consommation, établi à partir d’un panier fixe de biens et services, reflète l’évolution du coût de la vie dans 17 villes du Royaume. Ce panier comprend 478 produits déclinés en plus d’un millier de variétés, suivis chaque mois pour garantir une mesure fine et représentative des dépenses des ménages marocains.
Les décisions de politique monétaire suivent un processus rigoureux, rythmé par un calendrier établi. Tout débute par une phase analytique approfondie. Les équipes de la Banque passent en revue les dernières évolutions des principaux indicateurs économiques, qu’ils soient nationaux ou internationaux. Cette lecture conjoncturelle permet d’identifier les tendances marquantes depuis la dernière réunion du Conseil et de construire les hypothèses qui serviront de base aux prévisions macroéconomiques.
Ces travaux aboutissent à une version préliminaire du Rapport sur la Politique Monétaire, qui est d’abord discutée en interne, puis présentée à une réunion préparatoire du comité monétaire et financier (CMF). Une fois les remarques intégrées, le rapport est soumis au Conseil de Bank Al-Maghrib, accompagné d’analyses complémentaires selon les besoins. C’est à ce stade que les décisions de politique monétaire sont prises.
L’exécution revient ensuite aux services opérationnels de la Banque. Leur rôle est d’assurer le bon fonctionnement du marché interbancaire, en ajustant la liquidité à travers des opérations de refinancement ou de retrait. L’objectif est de maintenir le taux moyen du marché interbancaire au plus proche du taux directeur, qui constitue la cible opérationnelle immédiate de la politique monétaire. Cette régulation est la première étape du mécanisme de transmission vers l’économie réelle, notamment à travers les taux d’intérêt et le crédit.
Pour nourrir sa stratégie, Bank Al-Maghrib s’appuie sur un cadre analytique articulé autour de deux piliers. Le pilier réel se concentre sur l’analyse des données économiques, qu’elles soient locales ou globales. Il examine la croissance, l’emploi, les prix internationaux, notamment du pétrole, du blé ou des phosphates, qui ont un impact direct sur le compte courant, les réserves de change et l’inflation. Il permet également d’évaluer les pressions internes, à travers des indicateurs comme l’output gap ou le taux d’utilisation des capacités de production.
Le second pilier, de nature monétaire et financière, suit l’évolution de la liquidité bancaire, des taux d’intérêt, du crédit et de la masse monétaire. Il intègre également les données des marchés financiers, qu’il s’agisse de l’immobilier, de la bourse ou de la dette publique, afin de mesurer les effets de richesse et leur influence sur la demande et l’inflation. Ces deux piliers permettent à la Banque d’évaluer les risques qui pèsent sur la stabilité des prix et d’orienter ses décisions avec précision.
Depuis 2015, Bank Al-Maghrib s’est dotée d’un dispositif de prévision structuré autour d’un modèle central semi-structurel, croisant rigueur théorique et adaptation empirique. Ce modèle repose sur quatre blocs interconnectés : un module de croissance, fondé sur une décomposition détaillée de la demande ; un module d’inflation, distinguant entre l’inflation sous-jacente, les prix administrés, les carburants et les produits alimentaires volatils ; un bloc extérieur, qui prend en compte la demande étrangère, les taux et l’inflation des partenaires, le taux de change euro/dollar et les cours des matières premières ; et enfin un bloc de politique monétaire, adapté à la configuration actuelle mais modulable en cas d’évolution vers un régime de change plus flexible.
Autour de ce modèle central gravitent plusieurs modèles satellites, qui permettent d’affiner les prévisions à court terme et de couvrir des domaines non intégrés dans le modèle principal, comme certains aspects des finances publiques, de la balance des paiements ou de la sphère monétaire. Ce dispositif autorise également la construction de scénarios alternatifs, testant par exemple les effets d’un choc exogène sur la croissance européenne, la politique monétaire de la BCE ou les récoltes céréalières.
Les prévisions sont restituées à travers des fan charts, qui traduisent graphiquement l’incertitude entourant la trajectoire centrale estimée. L’ensemble s’appuie sur une base de données étoffée, qui réunit des séries statistiques produites par la Banque elle-même, mais aussi par d’autres institutions. Des enquêtes complètent le dispositif, notamment sur la conjoncture industrielle, les conditions de crédit ou les anticipations d’inflation.
La Banque centrale dispose d’un arsenal d’instruments pour ajuster la liquidité et influer sur les conditions monétaires. Les opérations principales, hebdomadaires, sont le canal privilégié pour injecter ou retirer des liquidités, via des appels d’offres. En cas de tensions imprévues, des opérations ponctuelles à court terme sont possibles. Les banques peuvent également accéder à des facilités permanentes, sous forme d’avances ou de dépôts à 24 heures, pour ajuster leurs besoins quotidiens. D’autres instruments, de plus longue durée, permettent d’agir sur des déséquilibres persistants, notamment à travers des pensions livrées ou des swaps de change.
Lorsque le déséquilibre de liquidité s’installe dans la durée, des opérations structurelles peuvent être mises en place. Elles passent notamment par des achats ou des ventes de titres du Trésor sur le marché secondaire, ou l’émission par Bank Al-Maghrib de titres négociables.
Consciente des difficultés d’accès au financement rencontrées par les très petites, petites et moyennes entreprises, la Banque a adapté son intervention. Dès 2012, elle a étendu l’éligibilité du collatéral aux créances privées sur les TPME. Ce dispositif a été renforcé en 2013 par un programme de soutien plus large, permettant aux banques de bénéficier d’avances proportionnelles aux crédits qu’elles accordent à ces entreprises, hors secteur immobilier et professions libérales. Un refinancement supplémentaire est prévu pour les TPME industrielles ou tournées vers l’export.
La crise sanitaire a conduit à une intensification de ce soutien. Les crédits de fonctionnement ont été intégrés au dispositif de refinancement, et la fréquence des appels d’offres a été portée de trimestrielle à mensuelle, afin de mieux répondre aux besoins accrus du tissu productif.